Il y a certaines choses dont on ne peut se passer [Fe]

Les années passaient trop vite. Elles s'enchaînaient à une rapidité telle que cela la perturbait au plus haut point. Depuis quand perdait-elle son temps à se chercher un but qui n'existait peut-être pas ? Elle avait quitté l'école de magie depuis presque dix ans et elle en était toujours au même point. Tout le monde s'était trouvé une voie, excepté elle. Elle était différente de ces autres qui pensaient avoir un destin tout tracé, elle ne voulait pas d'une routine ennuyante. Pourtant, c'est ce qu'elle vivait malgré elle, à un niveau bien moindre que ses anciens camarades qui se trouvaient sans doute au Ministère à ce moment précis. Enchaînant les petits boulots mal payés afin de pouvoir garder son appartement dans la capitale britannique, son seul réconfort se trouvait être les longues journées de pluies qui effaçaient ainsi tout ses regrets. Oh oui, elle en avait, des regrets. Plusieurs fois elle s'était remise en question, se demandant si ce n'était pas elle le problème dans tout ça, et si la solution ne se trouvait pas dans sa propre disparition. Mais elle n'était pas déprimée à ce point. Elle s'en voulait simplement, parfois de ce qu'elle était, souvent pour tout ce qu'elle faisait vivre à ses proches.

Ce n'est que très tard qu'elle avait enfin compris qu'elle ne s'entendrait jamais avec la majorité. Trop excentrique pour leurs esprits fermés, elle n'entrait pas dans la normalité et n'en méritait pas la place à leurs yeux. Bien sûr elle avait réussit à créer des liens avec certaines personnes, mais leur nombre était bien inférieur à celui de ses ennemis. Combien la détestait pour ce qu'elle était ? Il n'y a pas besoin d'être collant, stupide, énervant pour se retrouver rejeté. Non, car Kiara était loin d'être tout cela. Elle ne voulait juste pas faire comme tout le monde, et c'était son plus grand défaut. Plusieurs sont effrayés par le changement, bien qu'ils le nient. Ils ont peur de voir leur "petit monde parfait" s'écrouler sous leurs pieds, et être entraîné dans un monde inconnu auquel ils seraient incapables de s'adapter. L'Homme n'était qu'égoïsme et paresse, il ne regardait jamais plus loin que ce qui l'entourait. Si ce qu'il voyait lui plaisait, alors il ne prenait pas la peine de s'aventurer plus loin. A quoi bon, après tout ?

Allongée dans l'herbe d'un parc moldu, à admirer les nuages blancs traverser le ciel, la sorcière s'amusait à leur donner à chacun une signification. Elle passait son temps à ce genre de petits jeux, qui lui occupait l'esprit. Si elle n'avait rien en tête, elle était capable de devenir complètement dingue, alors tout les prétextes étaient bon pour se changer les idées n'importe quand. Un air enfantin sur le visage, elle semblait ne pas se soucier de ce qui se passait tout autour d'elle. Et pourtant, chaque bruit parvenait à ses oreilles et son regard passait d'un bout à l'autre à une vitesse impressionnante pour vérifier que rien de suspect ne l'entourait. Elle était très méfiante ces temps-ci, elle se sentait comme épié. Mais elle n'en parlait à personne, parce qu'elle savait pertinemment que personne ne la suivait, qu'elle était bel et bien seule avec ces quelques enfants à jouer dans l'herbe, que cette sensation n'était dû qu'à sa personnalité paranoïaque de temps en temps.

Elle n'en pouvait plus, de toujours ressentir autant de chose à la fois. De la crainte, de la rage, de la joie, de la nostalgie, de la rancœur, de la frustration, de l'impatience... Elle sentait qu'à tout moment, elle pouvait exploser sous cette pression qui l'habitait. L'air frais frappait son visage, la ramenant à la réalité et lui permettait de respirer quelques secondes. Il lui manquait cependant quelque chose. Quelque chose de vital, dont elle était en manque constant. Cette révélation finit de la réveiller, et elle se leva d'un bond, allant se cacher dans l'ombre de l'arbre le plus proche avant de transplaner.

Une porte lui faisait à présent face. Pas n'importe quelle porte. Elle ne prit pas la peine de frapper, habituée à l'endroit et à son propriétaire. Il n'y avait qu'elle pour pénétrer de la sorte sans permission, il devinerait aisément son identité avant de l'avoir vu. Noak, son frère cadet, avait lui aussi trouver de quoi s'occuper pour une bonne partie de sa vie avec ses études pour devenir professeur. Elle ne parlait jamais magie, ni travail en sa compagnie. Elle préférait l'écouter, de toute manière, bien qu'il ne raconte pas toujours de choses joyeuses. Elle s'était toujours sentie coupable de ce caractère qu'il s'était forgé, à force de la défendre durant leurs études. Il était tellement différent avant qu'il n'arrive à Poudlard et ne se rende compte de la violence de certains ! Mais elle finissait par se faire une raison : s'il n'était pas comme ça, peut-être n'en serait-elle pas aussi proche aujourd'hui, peut-être se serait-il lassé de la sœur qu'il avait.

Un magnifique sourire éclaira son visage quand il entra dans son champ de vision pendant qu'elle se dirigeait vers le salon de l'appartement. Elle ne se retint pas très longtemps et se jeta dans ses bras en le serrant du plus fort qu'elle le pouvait. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui parler en face à face depuis un moment déjà, mais même si cela faisait sans doute moins d'une semaine, c'était énorme aux yeux de Kiara. Alors qu'elle était obligée de se grandir afin d'être à la taille de Noak, elle resta ainsi plusieurs minutes avant de finalement le laisser respirer. Il était toujours prit pour l'aîné, quand on les présentait aux repas de familles ou aux soirées entre collègues de son père, et ce depuis leurs plus jeunes âge. Il possédait une plus grande maturité, au niveau psychologique. Quant au physique, ils ne faisaient tout les deux pas très vieux, mais il est vrai qu'avec ses muscles et son regard qui semblait d'une profondeur incalculable, il passait facilement pour plus plus âgé.

"Tu n'imagines même pas à quel point j'avais envie de te voir !" Lui dit-elle sans le quitter de ses yeux brillants.

Elle lui prit la main et l'entraîna d'elle-même sur le canapé qui trônait non loin, le forçant à s'asseoir alors qu'elle se plaçait à côté de lui, ramenant ses jambes contre elle et posant sa tête sur l'épaule du plus jeune Greenleaf. Elle ferma les yeux, murmurant à son frère sans être certaine d'avoir parlé assez haut pour qu'il l'entende :

"J'ai l'impression d'être inutile aujourd'hui... C'est affreux comme impression. J'aime pas ça."

C'était toujours Lui, qu'elle allait voir quand elle ne se sentait pas bien. Elle avait souvent imaginé ce qu'aurait été sa vie sans lui et à vrai dire... Elle ne voyait pas du tout ce qu'elle serait devenue. A Poudlard, c'est lui qui la défendait, bien qu'elle était plus âgée, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Parfois, elle aimerait qu'il la laisse un peu se débrouiller de temps en temps, mais elle n'est pas sure d'en être capable, à présent. Elle a trop longtemps été habituée à être traitée de la sorte, et ne pourrait se résoudre à quitter cette impression de protection qu'il lui procurait. Quand elle est avec lui, elle se sent plus... normale. Elle n'a pas l'impression d'être rejetée ou regardée de travers, juste de se comporter comme elle le fait toujours sans risquer de se faire juger. Elle n'échangerait ces simples moments pour rien au monde.

Le contact de ses doigts dans sa chevelure blonde ne fit que l'apaiser davantage. Il était le seul à pouvoir la calmer en un rien de temps, elle qui était habituellement si impulsive et ne pouvait s'empêcher de critiquer ceux qui lui faisaient face. Elle n'avait même pas envie de parler à cet instant -un peu comme tout le temps- mais plus pour préserver l'instant que par réel ennui. Elle ne voulait pas gâcher ce silence. Entendre les battements de cœur de son frère lui suffisait largement, et son souffle non loin de son cou.

"Tu m'as manqué....et j'ai un cadeau pour toi....il est sur mon lit.""

Elle ouvrit soudainement les yeux, prise de curiosité, un sourire s'affichant dans le même temps sur ses lèvres. Pourquoi s'acharnait-il à lui offrir tant de choses ? Il avait beau avoir l'argent nécessaire.. Elle ne préférait même pas savoir d'où il venait. Elle se sentait coupable rien qu'à l'idée d'imaginer ce qu'il faisait en plus de ses études pour gagner sa vie aussi bien. Son regard perdit quelques secondes de son éclat, alors qu'elle le fixait droit dans les yeux. Une de ses mains vint se poser sur le visage meurtri de son frère, recouvert de cicatrices plus ou moins discrètes. Elle s'attarda sur l'une de celles qui barraient son front, rendant son air parfois plus sévère, plus effrayant quand il fronçait les sourcils. Pourtant, avec elle, c'était toujours cette impression bienveillante quelle que soit son expression. Soupirant légèrement, elle lui dit sur le ton de la morale, avec une légère pointe de reproches :

"Un jour, tu devrais arrêter. C'est pas bon pour toi. Sérieusement... Qu'est-ce que ça t'apporte hein ? Imagine si un jour ça finit mal... A vouloir jouer le rebelle tu vas finir par le regretter !" Finit-elle en reprenant cette voix joueuse qu'il lui connaissait habituellement.

Elle aurait aimé lui faire comprendre à quel point elle avait peur pour lui. Il n'allait pas bien, ça se voyait, quelque chose le bouffait de l'intérieur, et depuis toujours. Elle ignorait si ça venait d'elle ou non... Mais elle savait que ça ne durerait pas toujours. Il finirait par crever à force de se battre, de se détruire les intestins avec l'alcool et les poumons à la nicotine. Quoi que niveau boissons, elle battait également des records ! A croire que ça faisait partie des gènes Greenleaf, que d'être à moitié alcoolique de temps à autre.

Elle se releva alors, s'étirant légèrement et se retournant vers lui qui n'avait toujours pas changé de position. Posant ses mains sur son bras elle le secoua légèrement, ressemblant encore plus à une enfant impatiente.

"Bon tu me le montres ce cadeau ? A moins que tu aies changé d'avis et que tu préfères l'offrir à ta séduisante voisine ?"

Elle se mit à rire. Un rire léger, musical. La vie sentimentale de son frère n'était que rarement un sujet abordé entre eux deux, comme s'il voulait éviter de l'exposer en sa présence. Jamais il n'était venu la voir pour lui demander de quelle manière il était le plus judicieux d'aborder une fille ou autre, comme quelques jeunes garçons pouvaient le faire avec leur sœur aînée. Elle avait comme l'impression qu'une certaine barrière l'empêchait d'atteindre ce côté de Noak, que même en étant les plus proches du monde, ils n'arriveraient pas à se montrer ouverts à ce propos. Mais ça ne la dérangeait pas plus que cela, après tout, comme elle avait son intimité, lui aussi était en droit d'avoir certains secrets.

Qu'il était méchant avec sa voisine ! Mais grâce à cette remarque, elle devinait d'avance la nature du cadeau. Elle n'avait jamais eu de mal à savoir ce qu'on lui offrait, de toute manière. Que ce soit directement ou indirectement, on finissait toujours par lui lâcher quelques indices par-ci par-là, et elle était encore assez intelligente pour deviner rapidement quels étaient ses cadeaux avant même de les ouvrir. Quand elle était petite, elle trouvait ça amusant, de savoir ce qu'elle recevrait à Noël ou à son anniversaire plusieurs semaines avant le jour J, mais maintenant elle se disait que tout était trop prévisible... Parfois un peu de surprises ne faisait pas de mal !

Devant lui, ne dissimulant pas son impatience à voir cette tenue qu'il avait acheté rien que pour elle, elle dû se retenir pour ne pas se jeter dans la chambre. A vrai dire, elle n'aimait pas cette chambre, sans savoir pourquoi. Elle la trouvait vide, comme si personne n'y entrait jamais et avait l'impression d'étouffer quand elle y restait trop longtemps. Mais étrangement c'était comme si à travers cette simple pièce elle pouvait ressentir tout ce que son frère ressentait. C'était stupide, certes, mais c'était Kiara après tout ! Cela ne l'empêchait pas non plus de ne pas supporter cette sensation d'enfermement qui la prenait dès qu'elle se trouvait à l'intérieur de la chambre. Elle aurait aimé apporter un peu de bonne humeur là-dedans, car c'était vraiment trop... effrayant.

Secouant légèrement la tête pour sortir ses pensées négatives, elle afficha un léger sourire à l'adresse de son cadet avant de le lâcher pour pénétrer à l'intérieur et observer le paquet de plus près. Sans se presser, elle l'ouvrit, admirant les rubans. Elle avait toujours été fan des couleurs en tout genre, alors là, elle était servie ! Une fois que l'emballage fut retiré, elle l'oublia bien vite pour admirer la robe qui s'y trouvait. Noak avait toujours tendance à partir dans les grandes villes pour lui prendre ses cadeaux, ce qu'elle n'avait jamais compris. Elle se contenterait volontiers d'un simple objet trouvé dans une petite boutique du coin, voir même de rien du tout. Qu'il se compliquait à toujours lui acheter quelque chose !

Elle mit plusieurs minutes à se vêtir, obligée de retirer son jean, son débardeur ainsi que sa veste avant de pouvoir enfin rentrer dans la robe. Son frère avait toujours eu l'œil, choisissant la taille parfaite sans jamais se tromper. Il faut dire qu'elle avait de la chance elle aussi : elle avait beau se nourrir de tout et n'importe quoi dès que l'envie la prenait, elle se dépensait toujours assez pour brûler les calories en trop sans tarder et garder son allure actuelle. C'est assez timidement qu'elle passa la tête par la porte, ce qui lui permit d'observer la silhouette de son frère accoudé à la fenêtre, fumant encore une cigarette. Elle ne pouvait l'en empêcher de toute manière, mais son visage prit un air agacé malgré tout. Enfin, elle ne disait plus rien maintenant, pas comme au début où elle lui reprochait cette addiction à la nicotine.

"Eh, lâche un peu ta cigarette et viens m'aider à monter cette foutue fermeture !" Finit-elle enfin par lâcher alors que, vêtue de son cadeau, elle avait finit par sortir de la pièce.

La robe lui arrivait aux genoux, laissant découvertes ses jambes ainsi que ses pieds nus. Elle avait bien entendu retiré ses baskets, qui ne s'accordaient pas du tout avec la tenue classe qu'elle portait maintenant. Des bretelles fines, cintrée au niveau de la taille, plus évasée ensuite et d'une couleur sobre, elle permettait à son regard gris-bleu de se détacher et de se faire plus perçant alors que ses cheveux blonds, qu'elle tenait en hauteur pour l'instant, contrastaient également avec la teinte.

"T'en penses quoi ? Va pas falloir que je sorte habillée comme ça, sinon tout le monde va se jeter sur moi !" Rit-elle après que Noak ait terminé de l'aider à fermer sa robe. "Elle est magnifique en tout cas, merci ! T'étais vraiment pas obligé tu sais !" Et elle posa une bise sur la joue de son frère suite à ses paroles, ne se lassant pas de s'admirer elle même.

Elle ne put s'empêcher de rouler les yeux à sa remarque, le trouvant attachant à se montre toujours aussi possessif... Bien qu'il dise cela sur le ton de l'amusement. Mais même sans sa remarque, elle avait bien l'intention de la porter uniquement pour lui. La dernière chose qu'elle voulait, c'était abîmer ce cadeau qu'il venait de lui faire, et le meilleur moyen de la tâcher, la déchirer, la froisser violemment, c'était de se promener avec dans les rues autant moldues que magiques de la capitale. Puis, ce n'était vraiment pas son genre d'afficher les présents de son frère à ses conquêtes, surtout que souvent, les vêtements ne duraient pas longtemps lors de ce genre de soirées... Elle aurait la conscience à mal si jamais elle osait laisser un presque-inconnu lui retirer ce que Noak avait mit tant de temps à choisir pour elle.

Légèrement surprise par l'entreinte qu'il lui donna, tellement elle était absorbée par le reflet que lui renvoyait le miroir, elle ne mit cependant pas longtemps avant de poser sa tête contre le torse de son « petit » frère, fermant les yeux en attendant qu'il se détache. Un sourire apparut sur son visage à son compliment. Elle était habituée à ses marques d'affections, qu'elles soient physiques ou verbales, entre eux deux. Mais ça lui faisait toujours énormément plaisir, pour elle d'abord, car il était bien l'un des seuls à se comporter ainsi avec elle, et pour lui aussi, car elle le savait proche de peu de monde, du moins elle ne l'avait jamais vu très lié à quelqu'un d'autre qu'elle. Il faut dire qu'il lui présentait rarement ses amis, aussi. Elle secoua légèrement la tête quand il la relâcha, remettant quelques mèches de ses cheveux en place et riant à sa remarque.

''Si tu continues à m'acheter autant de choses, je vais finir par attraper le syndrome de la grande sœur gâtée... Un jour, je te rendrais la pareille.''

Le problème, c'est qu'elle n'avait jamais été douée pour les cadeaux. Aux anniversaires, elle oubliait toujours de l'acheter, et devait donc se ruer dans le magasin le plus proche à la dernière minute... Ou quand elle se le procurait à l'avance, elle le perdait, l'égarait dans un coin. Elle avait beau être maniaque et tout organiser habituellement, quand il s'agissait d'offrir... Ce n'était pas de sa faute, elle faisait des efforts pourtant !

Une musique familière la tira alors de ses rêveries, et son regard se leva automatiquement sur son frère. Curieuse, elle le fixa de son air interrogateur si particulier, qui montrait plus de l'indiscrétion qu'autre chose, tout en l'écoutant lui parler. Des glaces ? Bien sûr, qu'elle resterait, alors ! Elle évita de montrer sa surprise alors qu'elle voyait Noak raccrocher après un simple coup d'œil en direction de l'écran.

''Hum ?'' Fut sa seule réaction alors qu'il reprenait la parole après s'être débarrassé de son portable. ''Oh bien sûr que je reste ! Je vais quand même pas te laisser te débarrasser de toutes ces glaces tout seul, ce serait du coup à ce que tu tombes malade... Puis une soirée dvd tout les deux, on en a pas fait depuis longtemps !''

Ne tentant même pas de dissimuler son enthousiasme, elle reprit la direction du salon, toujours aussi étonnée par la grandeur de l'appartement. Bien vite, ses yeux se portèrent vers la fenêtre, alors qu'elle observait les alentours. Elle ne put s'empêcher de questionner son frère sur l'appel auquel il n'avait pas répondu cependant. Faisant volte-face, et retournant à côté de lui, elle lui prit le bras et pencha légèrement la tête sur le côté. On aurait dit une gamine qui tentait d'amadouer un de ses parents avant de demander une quelconque faveur !

''Tu sais, tu pouvais répondre, tout à l'heure... C'était peut-être un appel urgent ? J'aurais pu t'attendre ici si tu devais t'absenter, c'est pas un problème...''

Elle ne voulait surtout pas le déranger, déjà qu'elle allait et venait sans prévenir, si en plus elle l'empêchait de sortir lorsqu'il en avait l'occasion ! Elle ne voulait pas être un poids, ou quoi que ce soit du même genre. Elle se trouvait assez envahissante comme ça, et se demandait même parfois si elle ne dépassait pas les bornes, profitant peut-être trop du fait que Noak ne la rejetait pas. Elle semblait ne tenir que grâce à lui, et ce n'était pas quelque chose de bien : dépendre d'un autre membre de sa famille. Il finirait par se lasser, et elle risquerait de tomber de haut. Heureusement, par rapport au début de la fin de leurs études respectives, elle passait moins régulièrement le voir. Il vieillissait tout comme elle, ses priorités changeaient... Elle devait le laisser respirer, c'est ainsi qu'elle pensait.

''Je peux aller dans la cuisine le temps que tu rappelles, si tu en as envie.'' Elle avait murmuré cette phrase, car même sans poser la question, elle se demandait quand même bien qui avait pu vouloir rentrer en contact avec le jeune homme.

Elle avait commencé à s'éloigner, pour le laisser seul le temps de son appel, mais il la retint au dernier moment. Elle était comme satisfaite qu'il veuille qu'elle soit là, comme s'il ne voulait rien lui cacher, mais elle se sentait légèrement mal à l'aise également. Sa curiosité pris malgré tout le dessus, et qu'elle le veuille ou non de toute manière, elle ne pouvait pas se détacher de l'emprise de son frère. Non pas qu'il la serrait si fort que ça, mais qu'elle n'en avait aucune volonté.

Les yeux baissés au sol, feignant de ne pas porter attention à la conversation qui débutait, ses muscles se tendirent au son de la voix de Noak. Elle n'était pas vraiment habituée à l'entendre s'adresser à quiconque sur ce ton, même s'il lui était déjà arrivé de le voir énervé à leur époque étudiante. Elle n'aimait pas l'expression qu'il prenait, quand il se mettait à parler à quelqu'un de cette façon. Elle posa sa main libre sur le bras qui la tenait prisonnière, comme si elle souhaitait le calmer par ce simple contact, ne comprenant pas vraiment ce que pouvait dire l'interlocuteur ou l'interlocutrice à l'autre bout du fil pour qu'il réagisse de la sorte. Ses yeux ne quittaient pas les siens, alors qu'elle était comme figée, surprise par ce manque certain d'émotion dans son regard. Elle n'aimait pas le voir comme ça, ça la rendait presque... triste. Il manquait de vie, quand il était dans cet état là.

''Tu avais vraiment besoin d'être si froid ?'' Finit-elle par lâcher alors qu'il lui annonçait qu'ils serraient tranquilles maintenant.

Elle n'attendait pas de réponses à sa question, sachant que ce n'était pas dans sa nature d'être très chaleureux en général. Elle lui lâcha le bras en même temps qu'il laissait son poignet tranquille. La pression qu'il avait exercé n'était pas assez forte pour lui avoir laissé une quelconque marque, il n'avait jamais été violent à son égard. Pourquoi le serait-il ? Il était difficile de trouver meilleure relation fraternelle que la leur.

Du jus de fruit... Elle était habituée, à ce qu'il n'aime pas la voir consommer quelconque alcool. Il était réellement protecteur ! Mais elle n'aurait jamais réussit à se saouler devant lui, quoi qu'il en soit. Elle ne voulait pas que son estime pour elle chute dès qu'il verrait que, comme tout le monde, elle ne résistait pas longtemps aux effets de la boisson.

''Je vais aller voir ça alors... Tu fais vite hein ?''

Bien entendu, elle disait cela juste pour qu'il ne l'abandonne pas trop longtemps, mais il pouvait prendre le temps qu'il voudrait que ça ne la dérangerait pas ! C'était... juste pour la forme, en fait. Se dirigeant vers la cuisine alors qu'il prenait la direction de la salle de bain, elle prit l'un des deux verres dont il lui avait parlé avant d'aller sortir du frigo la bouteille de jus tropical puis de s'en servir. Buvant une simple gorgée – c'est qu'elle n'avait pas si soif que cela – elle quitta rapidement la cuisine, verre en main, pour retourner à la table basse.

En 1996, les DVD n'étaient pas si anciens que ça, tout récent de l'année précédente même. Ils avaient rapidement remplacé les cassettes, se révélant plus pratiques. Pas besoin de rembobiner à chaque fois ou de se débrouiller à démêler la pellicule ! (bon seul problème, le Titanic était pas encore sorti, à cette époque, faudra encore attendre un an ) Tout de suite, son regard se porta sur une pochette bizarre avec des cafards dessus. Mon dieu, que ça avait l'air intéressant – remarqué l'ironie non dissimulée de la phrase. Elle lut distinctement le titre, Joe's Apartment, alors que son regard à lui seul laissait voir à quel point elle était sceptique. Tentera ou tentera pas ? Elle le mit de côté cependant. Et c'est là qu'après avoir était intriguée par Butterfly Kiss, elle tomba sur LE Dvd. Mais LE Dvd de l'année. Elle l'avait vu à sa sortie au cinéma, en 1995, et était étonnée de voir que son frère l'avait acheté, ce qui ne la dérangeait pas le moins du monde malgré tout.

''NOAAAK, J'AI TROUVE !''

Oui, elle trouvait utile de le prévenir en criant. Balto. C'était ça, LE Dvd. Parce qu'elle était tombée amoureuse du chien qu'elle trouvait plutôt beau, pour un chien. Et qu'elle vouait un culte aux animaux depuis des années déjà, on ne se demandait plus pourquoi elle avait adopté un koala il y a quatre ans.

''Mon dieu il es trop trop trop mignon ! Je veux le même à Noël !''

Prenant le dvd dans ses mains, elle commença à sautiller sur place, trop joyeuse pour se contrôler. Il lui en fallait vraiment peu pour perdre ses moyens, à la petite...

Parfois, les évènements s'enchaînent trop vite pour qu'on en comprenne le sens. Autant dire même, qu'ils n'ont pas forcément de sens. Elle n'avait pas eu le temps de s'extasier plus longtemps, que des coups étonnamment violents furent frappés à la porte. Ça n'était jamais arrivé auparavant, qu'on les dérange lorsqu'ils se trouvaient tout les deux dans l'appartement. Elle ne se méfia pas tout de suite, pensant d'abord qu'il s'agissait d'une simple erreur, qu'en moins de deux secondes l'affaire serait réglée. C'est simplement à force d'observer les gestes de son frère qu'elle comprit que la situation avait de quoi l'inquiéter. A sa place, elle se serait contentée d'ouvrir la porte, de leur dire qu'elle était actuellement occupée, et de la leur claquer à la figure. Mais il n'était pas comme elle. En le voyant revenir, si pressé, elle ne sut comment réagir. Il parlait si bas qu'elle ne comprit pas tout de suite ce qu'il lui demandait, avant de comprendre qu'il souhaitait qu'elle s'enferme dans une des pièces, en sécurité. Elle ignorait ce qui se passait. Elle détestait ça. Le choc fut davantage prononcé quand il sortit l'une de ses armes moldues de son tiroir. Elle en avait déjà vu, à la télévision, ou même ici, auparavant... Elle ne savait pas trop quel était le but de cet objet, sa fonction, mais elle avait pu voir dans les films que l'effet pouvait être aussi radical qu'un Avada.

Elle n'était pas... effrayée. A vrai dire, elle était juste curieuse, de connaître la raison qui poussait Noak a utilisé un tel engin. Alors qu'une nouvelle fois il lui ordonnait de s'écarter et de ne pas prendre part à la confrontation, elle se contenta de quelques pas. Elle n'alla pas bien loin, seulement assez pour qu'il pense qu'elle ferrait ce qu'il lui demandait. Ce n'était pas une lâche, encore moins quelqu'un de raisonnable. Elle ne voulait pas être ainsi mise à l'écart, encore moins si cela concernait son frère, qu'elle s'était promis de tenir à l'écart d'un quelconque danger quand elle le pouvait. Il agissait comme un moldu, avec ce "truc" dans la main. Oubliait-il que les manières sorcières de se défendre étaient bien plus efficaces ? Les sourcils froncés, ayant bien entendu oubliée ce DVD qu'elle avait l'air de tant apprécier, elle se rapprocha du mur près de la porte, restant à une distance respectable, ne quittant pas des yeux ce qui se déroulait droit devant.

Elle ne manqua pas Noak qui ouvrait la porte, remarqua sans difficulté la stature de ses invités incommodes. Sourcils froncés, elle ne se questionna pas plus sur leur présence. Il s'était encore fourré dans une histoire pas possible. C'était bien ce qu'elle n'aimait pas chez lui, si elle devait citer la seule chose qu'elle avait du mal à supporter : qu'il ne l'écoute pas, quand elle lui disait de faire attention.

Ses nerfs à vif, à la fois énervée par le comportement de son cadet et par le ton employé par l'étranger, sa main serrait sa baguette, tenue à sa ceinture... "et surtout pas de magie". S'il n'y avait que ça, elle n'aurait pas hésité à les pétrifier sur place avant de les découper en rondelles, pour avoir oser la déranger. Mais la présence de moldus étaient dérangeantes.. Quoi qu'un sort d'amnésie devrait suffire, le Ministère n'aurait même pas le temps d'intervenir que déjà, ils auraient oublié. Plongée dans ses réflexions, trop occupée à tenter de trouver un moyen de se débarrasser de ces vauriens sans y risquer sa baguette, elle ne sortit de ses pensées qu'en entendant la porte claquer. Ils étaient rentrées, elle pouvait les détailler à sa guise maintenant, juste en face d'elle. Elle voyait à leurs airs qu'ils n'étaient pas du genre à discuter, plutôt à agir sans mesurer les conséquences. Cinq. Ce serait facile. Mais elle ne voulait pas décevoir Noak, lui qui trouvait qu'utiliser sa baguette au lieu de ses poings étaient comme une preuve de lâcheté... Après tout, elle n'était pas aussi douée que lui dans le domaine de la bagarre. Elle n'avait jamais eu d'autres défense. Il l'excuserait.

Quand elle releva les yeux, l'un du groupe s'était rapproché d'elle, apparemment intéressé par cette nouvelle robe qu'elle portait. Elle lui lança un regard mauvais, alors qu'il approchait sa main pour tenter d'effleurer son bras. Qu'il n'y pense même pas... Elle avait peut-être l'air fragile, mais elle savait comme faire mal... Seulement, avant qu'elle ait eu le temps de faire quoi que ce soit pour mettre cet imbécile hors jeu, elle entendit un coup de feu, suivit d'un deuxième. Ses yeux se fermèrent automatiquement, alors qu'elle stupéfixiait dans le même temps l'un des squatteurs. Elle n'avait jamais assisté à une attaque produite par une arme et le bruit lui avait brisé les tympans. Elle ignorait qui avait tiré, qui avait été touché, elle savait juste qu'elle avait eu le temps nécessaire pour s'occuper de l'un d'eux. Il en restait néanmoins quatre. Mais un troisième coup retentit. Plus proche, plus bruyant, elle crut percevoir un cri sans en identifier la voix. Le souffle saccadé, alors que son pouls s'accélérait, elle se concentrait sur les hurlements de colère qui fusaient de toute part. Les coups, aussi. Mal à l'aise face à cette violence, elle qui préférait faire souffrir ses ennemis en se servant de sa tête, elle n'osa pas ouvrir les yeux, une fois que le silence fut de nouveau maître des lieux. Elle trouvait étonnant que même son frère ne réagisse pas. Avait-il été touché, blessé, voir pire durant ce court mais intense combat ?

"Noak... Noak ?"

Soudainement plus terrorisée qu'elle ne l'aurait voulue, elle ouvrit les yeux, craignant les dégâts subis.

Elle ne prêta pas attention au corps qui se trouvait juste à côté d'elle, ni à celui, immobile, qui avait subit son sortilège. Elle avait déjà vu la mort en face à de nombreuses reprises, et ce n'était pas la première fois qu'elle usait d'un sort pour se défendre. Ces hommes méritaient d'être dans cet état, ils méritaient même d'avantage. Elle ne se gêna pas pour donner un coup de pied au cadavre alors qu'elle se fraya un passage pour s'agenouiller près de son cadet. Il était touché, à deux endroits. Il était blessé, gravement même peut-être. Elle s'en voulait, de ne pas avoir de moyens de le soigner à disposition. Sa baguette ne lui servait pas dans ces moments-là, seule une potion aurait pu être utile. Ou une méthode à la moldue. Ne fallait-il pas retirer la balle de son corps ? Elle n'avait pas le courage cependant de le voir souffrir davantage. Elle avait acquit une forte résistance mentale au fil du temps... Mais il faisait exception, il était sa seule faiblesse restante, mais pas des moindres.

Elle ne réalisa qu'à cet instant que stupéfixier un moldu en présence d'autres de ses acolytes avait été un geste idiot et irréfléchi. Elle aurait sans doute des retombées avec le Ministère... Peut-être que ces contacts suffiraient... Elle ne le savait pas, à vrai dire, elle n'y pensait pas. Toute son attention était portée sur Noak, dont elle observait le corps affaibli. Au bord des larmes, refusant d'admettre que l'état dans lequel il était pouvait être jugé de grave, elle passa une main dans les cheveux de son frère, tentant de se contenir et de retrouver son calme. Que les Aurors viennent, s'ils le voulaient.

Alors qu'il prenait la parole, elle tenta de le rembarrer, mais il anticipa en enchaînant directement, la priant de lui faire confiance. Elle lui faisait entièrement confiance. Il n'était pas question de ça, pour le moment. Ca n'avait rien à voir avec leur fraternité, le respect qu'ils pouvaient se porter, leurs liens avec la magie... Non, c'était une toute autre histoire. Il s'agissait de l'état physique de Noak, pas de sa conscience qui se sentirait coupable de la voir se faire juger pour avoir user de magie dans un lieu public fréquenté par les non-sorciers.

"Imbécile ! Tu crois que je vais te laisser là, juste parce que tu me le demandes ? J'en ai rien à foutre de me faire accuser d'avoir tué ou blessé qui que ce soit ! Je te laisserais pas ici, hors de question !"

Ses mains étaient à présent recouvertes du sang de son frère. Elle le força à se replacer de manière demie-assise, le soutenant d'un de ses bras, alors qu'elle tentait de stopper l'hémorragie au niveau de son épaule en comprimant l'endroit de la blessure, à l'aide d'un morceau de tissu de la robe qu'elle avait déchiré. Elle n'avait plus rien à faire de paraître élégante ou non, maintenant.

"Ne gaspille pas ta respiration pour rien. Je peux réussir à contenir cette blessure mais l'autre... Bordel Noak ! Dans quoi t'as réussis à te fourrer pour finir comme ça ? T'es vraiment qu'un inconscient ! Hors de question que tu restes habiter ici. Ils pourront te retrouver sinon. Je vais me débrouiller pour te trouver une chambre à Pré-Au-Lard que tu le veuilles ou non."

Aucun danger qu'il ne se fasse attraper dans un village réputé exclusivement chez la gente sorcière. Mais avant ça, il fallait qu'elle les sorte de cette situation. Elle aurait aimé tout nettoyer d'un coup de baguette, puis faire transplaner les deux corps avant de transporter le jeune Greenleaf à Sainte Mangouste. Mais il ne supporterait pas le voyage. Elle ne prendrait pas le risque de le mettre davantage en danger.

"Tu ne peux pas me forcer à t'abandonner. Je t'ai promis de ne jamais te laisser, quoi qu'il arrive, et je tiens toujours mes promesses. Ne t'inquiètes pas pour moi d'accord ? C'est toi le plus mal au point. Je risque seulement quelques avertissements pour ce que j'ai fais... Et ce n'est rien du tout comparé à l'idée d'être séparée de toi."

Caressant son front, alors qu'elle tentait de lui offrir un sourire rassurant, elle s'attendait à ce qu'il sorte encore de nombreux arguments. La ténacité était une qualité - ou un défaut selon le point de vue - héréditaire dans la famille.

Peu importe ce qu'il disait, elle l'y forcerait s'il le fallait. Elle ne le laisserait pas, quoi qu'il lui dise, quoi qu'il lui fasse, quoi qu'il pense. Elle resterait ici jusqu'à ce qu'on la traîne de force, qu'on la torture, quitte à ne plus tenir sur ses jambes une fois qu'elle devrait se relever, à ne plus sentir ses muscles. Peu importe ce qu'il disait. C'est ce qu'elle pensait.

Elle n'avait pas bougé, quand il lui avait avoué avoir utiliser la magie alors qu'il était entouré de moldus. Elle était restée immobile, alors qu'il racontait sa punition pour avoir commit tel acte. Elle ne l'empêcha pas de retirer sa main, encaissant le récit de son séjour dans la prison sorcière. Tétanisée, souffrant en même temps que lui que ce soit physiquement ou mentalement face à ces souvenirs qu'il s'imposait pour pouvoir tout lui dire, enfin. Son cœur battant, lui coupant le souffle, elle reprit une respiration normale avec difficulté. Elle s'imaginait ce qu'il avait vécu, silencieusement, sans jamais rien lui confier. Elle avait toujours cru qu'il ne lui cachait rien, si ce n'était ses frasques diverses chez les non-sorciers, ses trafics variés. Mais... Il ne lui avait jamais parlé de ça. Ce n'était pas rien après tout, trois mois dans les couloirs de la mort. Trois mois entouré de Mangemorts emprisonnés, de désespérés hurlant au passage des Détraqueurs. Il ne lui en avait jamais parlé.

Les yeux grands ouverts, ne le lâchant pas une seule seconde, elle ne jugea pas utile de faire le moindre mouvement, sa main toujours posé contre la blessure de son cadet. Bien sûr qu'ils ne l'enfermeraient pas une seconde fois, qu'ils ne l'empêcheraient pas de continuer à vivre pour un simple Stupéfix. Sauf qu'il venait de commettre un meurtre. Personne ne le laisserait en réchapper. Il n'irait pas à Azkaban, mais dans une prison normale, moins effrayante. Une prison malgré tout, un lieu déprimant, effrayant. "J'y survivrais...pas toi." Pourquoi pas elle ? Pourquoi était-elle si faible ? Pourquoi était-elle différente des autres ? Pourquoi était-elle née si dérangée ? Pourquoi ne pouvait-elle pas assumer les conséquences de ses actes ? Pourquoi devait-elle toujours s'épauler sur quelqu'un ? Pourquoi se retrouvait-elle perdue, une fois sa baguette retirée ? Pourquoi n'avait-elle pas la force de se défendre ? Pourquoi ?

Pourtant, elle ne bougeait toujours pas. Elle attendit que Noak repousse sa main. Baissant son regard sur le morceau déchiré, la seule pensée qui la traversa fut qu'elle devrait la réparer, une fois que le sang aura arrêté de couleur. Un simple sort suffirait, pour lui rendre son état d'origine... Mais revenir toujours à la magie, dans chaque scène du quotidien, devenait fatiguant. Tout ça, c'était de la faute de ce maudit bout de bois. Ses yeux ayant pris une teinte plus grise qu'à l'habitude se posèrent sur son frère, tandis qu'il reprenait la parole.

Le ton qu'il employa envers elle la pétrifia. Son sang ne fit qu'un tour, elle fut prise d'un léger tremblement. Il la terrorisait. Il était si... différent. Le moindre changement dans ses habitudes la mettait dans un état de panique. Le fait qu'il change si soudainement de comportement à son égard la perturbait mentalement, elle qui était si fragile à ce niveau. "J'en ai rien a foutre de te voir souvent ou pas." Elle avait l'étrange impression que sa poitrine était lacérée de toutes parts. Sa tête lui faisait mal. Comme si... quelqu'un, quelque chose, frappait dedans à grands coups, dans l'espoir de la briser. Ses mains, tâchées de sang, se serraient, à tel point que ses phalanges se montraient douloureuses. "C'est ma vie et tu n'en fais pas partie." Sans lui, elle ne serait pas là. Elle ne serait pas Kiara. Elle aurait abandonnée depuis longtemps. Elle se fichait de ce que pensait les autres d'elles, des critiques qu'elle supportait, mais elle avait parfois elle-même du mal à se comprendre. Il n'y a rien de pire que de ne pas s'accepter. Dans ce genre de situation, on pense souvent au pire... A chaque fois, il s'était montré au bon moment, pour lui faire oublier ces idées. Elle le voyait comme son gardien, son guide. Elle était déboussolée, sans ses conseils, ses remarques, ses compliments, ses.... Sans lui. "Alors dégage de chez moi." Elle n'avait pas pleuré. Elle ne pleurait jamais. Semblant insensible, elle n'avait pas esquisser un seul geste. Elle restait là, sans ciller, avalant chacun de ses mots. Malgré tout, elle sentait ses yeux la piquer. Elle avait aussi cette sensation dans son ventre, de se compresser sur elle-même, d'être serrée dans un étau de métal qui l'étouffait. Alors, elle lâcha un soupir. Un de ces soupirs douloureux, où l'on peut sentir la détresse de l'autre, la résistance qu'il opposait pour ne pas craquer. Elle ne pleurait jamais.

"Je vais... Ne bouge pas. Seulement deux secondes. Juste deux secondes, c'est tout ce qu'il me faut."

Elle se souvint soudainement d'un sort permettant de stopper une hémorragie. Vulnera Sanentur. Récupérant sa baguette qu'elle avait posé à côté d'elle, elle prononça l'incantation trois fois au niveau de la blessure que Noak avait reçu à l'épaule, le sang qui s'en était déversé retournant à sa place d'origine et la plaie se refermant. La cicatrice restait visible, un traitement serait nécessaire malgré tout. Elle ne pouvait utiliser la même méthode pour l'autre blessure... A moins que...

"Je suis désolée, tu risques de la sentir passer..."

Usant d'un simple Accio pour attirer la balle, elle préféra fermer les yeux durant l'acte, ne voulant pas lire la douleur de son frère. La faire ressortir ne devait pas être très agréable à subir, mais ce fut assez rapide. Une fois qu'elle put voir la balle reposée sur le sol, ensanglantée, elle répéta la formule précédente. Au moins, il ne se vidait plus de son sang. Récupérant le morceau de sa tenue qu'il avait gardé en main, elle ne le répara pas tout de suite. Vu qu'il ne supportait pas l'usage de la magie, elle le ferrait dans les règles de l'art moldu.

"J'allais pas te laisser crever sans rien faire."

Son ton à elle s'était montré froid, distant, frustré, mais aussi soulagé. On pouvait néanmoins aisément deviné son mal être. Elle n'arrivait pas à se faire aux paroles qu'il avait prononcé, et qui pourtant paraissaient si sincères de sa part... Il ne mentait jamais. Bien sûr, il ne lui racontait pas toute sa vie, comme elle avait pu le remarquer. Mais il ne mentait pas. Pas à elle.

"Je... Je peux pas laisser ce corps ici... Je... Je peux pas non plus partir..."

C'était.. bizarre.. Parce qu'au fond, elle voulait s'en aller. Ne plus avoir à faire face à ce corps sans vie, à moins d'un mètre d'elle. Ne plus le regarder lui dans les yeux, et y lire cette indifférence. Sa vie était-elle aussi basée sur un mensonge ? Avait-elle grandit en le croyant proche d'elle alors qu'il la haïssait ? Non pire, qu'il se fichait d'elle.

"Je sais pas si je dois te croire et te laisser, même si j'en meurs d'envie..."

Elle était au bord du gouffre. Elle voulait l'abandonner, lui montrer ce qu'elle ressentait. Cette souffrance intérieure, sourde, meurtrière qui manquait de la faire sombrer à tout moment.

"Je peux te laisser faire accuser d'avoir utiliser un simple sort, pas d'avoir commis un meurtre. Je sais où le cacher. Mais si je pars en transplanant, je ne peux pas te laisser ma baguette. De toute manière, ils ne te croiront jamais, vu qu'ils t'ont enlevé la tienne il y a longtemps déjà. Je vais libérer ce mec, et je vais partir. Je te laisse le soin d'expliquer au Ministère comment ils ont pu détecter de la magie alors que tu n'as aucun moyen de l'utiliser ! Ils remonteront rapidement à moi. Je n'ai jamais eu à faire à eux auparavant, et il n'y avait pas plus de cinq moldus, je leur dirais que c'était de la légitime défense. De toute façon, ils ne sont pas censés savoir que tu as tué quelqu'un aujourd'hui, alors je ne risquerais rien de grave."

Elle se releva, non sans montrer une certaine instabilité. S'approchant du cadavre dont elle nettoya le sang à l'aide d'un Tergeo, elle posa ensuite sa main sur l'un des bras de la victime, ne lançant pas un regard à son interlocuteur. Sa voix, toujours aussi perturbée et décidée à la fois, se fit de nouveau entendre :

"Je ne suis plus une gamine, Noak, j'ai pas toujours besoin que tu me sauves tel un super-héros. Surtout si c'est pour me dire deux secondes plus tard que t'en as rien à foutre de ce que je peux devenir. Sache que c'est réciproque."

Avant de disparaître en compagnie du corps sans vie, elle lança un Enervatum à l'autre occupant de la pièce. Il n'avait pas encore totalement récupéré ses esprits que déjà elle n'était plus là, laissant l'appartement dans le même état que lorsqu'elle était arrivée. Le sol avait été nettoyé, le corps de son frère guérit partiellement de ses blessures, tout avait l'air normal. Comme quoi, parfois, la magie pouvait aider à effacer les preuves, comme cette arme qu'elle avait prit soin d'emmener avec elle en même temps que sa baguette, à la fois pour qu'il n'est plus l'occasion de l'utiliser et qu'on ne puisse l'accuser de s'en être servi. Le seul rescapé de cette petite aventure restait l'ami du dealer... Le pauvre, il ignorait ce qui était arrivé, lui !