Retrouvailles innatendues [Fe Michael]

Ce soir-là, j'avais pris la décision de faire une pause. Quelque chose qui ne me ressemble pas, voire même qui m'est inconnue. Quand je suis en pleine mission, je prends soin de la finir sans l'interrompre par n'importe quelle occasion. Mais là... C'était exceptionnel. Pour la simple et bonne raison cette quête changera ma vie d'une manière ou d'une autre. Que ce soit en bien ou en mal. Que ce soit un processus long ou court. Peu importe, elle était primordiale. Et j'allais peut-être y laisser mes misérables jours, qui sait ? Entre une vampire rancunière et hautaine, un Jiāo-Lóng prêt à tout pour récupérer l'objet que convoitait pour dangereux employeur, le Ministre du Grand Nord. J'étais, pour ainsi dire, plutôt mal placé. J'hésitai bien à reprendre mes périples d'aventuriers plutôt qu'à me poser en tant que courtier. Néanmoins, je n'avais pas d'autres choix. Je ne serai assurément jamais tranquille et des péripéties mortelles sont à prédire pour les prochains mois à venir, mais je me devais de vivre en étant un peu plus calme et moins distrait. Mes voyages stopperont, mon nombre de connaissances allait se restreindre... Mes informateurs, mes alliés comme mes ennemis : je m'en procurerai de moins en moins, sans aucun doute. Ceci était donc un grand remaniement dans mon existence. Et je me le devais. Je tiens toujours une promesse. Et il y a longtemps, je l'ai promis à celle qui aurait du être le plus étonnant, le plus surprenant et le plus inattendu changement de mon destin. J'exagère, certes. Seulement... Étant donné que j'avais préféré arrêter mes activités qui m'avaient accompagné pendant huit ans à peu près plutôt que d'abandonner la femme qui m'avait cependant causé pas mal d'ennuis, ça demeurait inconcevable pour un homme de mon envergure. Toutefois, je l'avais fait et j'étais d'autant plus en état de recommencer.

La grande question, c'est : qu'a t-il bien pu se produire pour que je ne tiennes pas cette même promesse ? Ce n'était pas de ma faute. Pas entièrement. L'explication était, évidemment, purement et simplement qu'une de mes cibles a réussi à m'avoir. Certains diraient que j'avais faiblit, ou qu'elle était plus forte, ou bien encore que j'étais distrait par mon engagement. Pour moi, ça restait un combat. Dans un combat, il n'y a pas de favori et pas de délaissé. Le gagnant ne se décide pas à l'avance, c'est celui qui obtient le plus de maitrise et qui reste debout qui ne perds pas. Souvent plus causé par l'erreur de l'adversaire que par notre propre expérience. La mienne fut de me rendre directement dans l'antre de cette créature buveuse de sang, ce monstre vampirique aux puissances insoupçonné. Qui a su détruire quelques mois entiers de ma vie. Un jour, il est fort possible que je la retrouve et que tout ce termine à cet instant. Mais en attendant, j'avançais vers un immeuble. L'immeuble où résidait la femme, qu'autrefois, j'eus désiré. Un bâtiment un peu plus haut que je ne le pensais.

Heureusement pour moi, son appartement ne se trouvait pas au dernier étage. Des différents renseignements que j'avais su soutirer à quelques diverses personnes, on m'avait indiqué qu'il se trouvait précisément. Soit, pas trop haut. Je n'ai pas trop réfléchi à ce moment. Je me trouvais dans la façade la moins visible de l'édifice. J'avais aperçu la fenêtre de son logement et en visant bien, j'accomplis presque un exploit : pour une fois, je n'avais rien cassé et le verre avec correctement disparu. J'aimais utiliser des techniques qui leur était inconnu ici, en Grande-Bretagne. Quoique qu'il ne fallait pas tester ce genre de sort lorsqu'on voulait rester discret. Ensuite, je bondis sans plus attendre, sautant de bords en bords et j'ignorais comme j'avais pu faire ça mais j'avais atteint mon but. J'atterrissais à peine sur la moquette que la vitre réapparu. Oui, ce n'était qu'un sort temporaire.

Je n'avais quand même pas trop le temps de m'y atteler, j'entendais déjà la poignet se tourner. Je fis quelques pas rapides, évitant soigneusement les obstacles sur mon passage. Je m'appliqua délicatement sur le mur, patientant avant qu'elle ne rentre. Mon coeur battait plus vite, ma respiration était haletante. Ce n'était pas un état normal : je ne le supporte pas. L'adrénaline au moment d'un meurtre, je gérais. Ca... J'avais du mal. Et la voilà qui pénétrait à l'intérieur de la pièce. En bon auror qu'elle était, elle avait su percevoir ma présence et son premier réflexe fut de sortir son arme. J'avais toujours admiré son flair pour ces choses-là. Je la voyais avancer et la faible lumière qui l'éclairait me permettait de la voir sous un autre jour. Elle n'avait pas changé, mais ses traits avaient tout de même quelque peu mûrit. Ses traits si fins, sa peau blanchâtre, ses longs cheveux couleur de feu qui lui donner les airs d'une femme fatale... Elle était plus belle que la dernière fois. Mais je n'étais pas réellement pour ça.

Tandis qu'elle se dirigeait vers moi à l'aveuglette, je décidai de me rapprocher. Je sortit de l'ombre qui me séparait de mon identité. C'est là que je vis ses yeux s'écarquiller de surprise. Elle ne m'attendait pas, c'était certain. Ou si, mais dans ce cas, elle m'avait attendu pendant trois longues années et en vain. D'ailleurs, c'était pour cette raison que j'arrivais pas à deviner si son expression faciale montrait de la joie ou de la colère. Était-elle heureuse ou furieuse de me revoir ? Je n'avais plus le don pour le savoir. Dans le doute, je devais lui donner des réponses. Mais pas maintenant.

« MICHAEL TERRAGONE : Bonjour, Noami.

J'en profitai pour baisser sa baguette qui était tendu vers mon corps. Voici la seconde question : comment pourrais-je lui expliquer mon départ soudain, il y a trois ans ?

C'était ce que je nommais, j'avais énormément d'appellations pour un tas de trucs, un juste retour des choses. Oui. Une gifle, c'était un juste retour des choses. Sans conteste l'épreuve physique de ce qu'elle a enduré moralement quand je ne suis pas venu la chercher ; j'allais juste rectifier un détail à ce propos. Si je ne suis pas venu, c'était parce que je n'en avais pas la force. Cette femme, cette femme morte, cette vampire... Du nom d'Aliénor... M'avait tellement bléssé que je n'étais même plus en moyen de me souvenir de mon nom. J'avais à peine pu transplaner pour sauver mon semblant de vie encore préserver. C'est tout ce que j'avais pu accomplir à ce moment-là. Parfois, je regrette. Ses trois ans dédiés à la mort, encore. A plus d'assassinats, de traque, d'adrénaline, plus de risques, plus de suicide... Auxquels je survécus, malgré moi. Pendant de longues années, j'ai servi une fois de plus ma cause et celle des forts contre les faibles. Mené par la certitude que ce que je faisais demeurait juste et loyal. Que les décès que je causais et que les vies que j'anéantissais, une après une, valaient le coup de mon offense. Que ma raison d'être restait de parvenir à un sang-froid tellement immortel et inhumain. Pendant un court instant, j'avais atteint la plénitude du spadassin. Au change, j'avais perdu toute mon humanité. Ma lucidité étant revenue à temps, je pus me rendre compte de ce qui était advenu de ma personne. Mon corps à la merci du faucheur et mon âme totalement absente. Cet état d'être m'avait effrayé.

Voilà qui expliquait mon revirement, il y a à peine un an, à devenir quelqu'un de meilleur. J'agissais pour une meilleure justice et dans des limites plus acceptables. Tandis que je devenais progressivement un commissionnaire, plus qu'un chasseur de primes. Un travail que je maitrisais bien, mais qui demandait beaucoup plus d'attention que de justesse. Certes, je ne me trouvais là aucun motif à venue d'aujourd'hui, en cette calme soirée. Lui rendre visite, à elle. Cette auror qui avait su me distinguer parmi tant d'autres, cette demoiselle pleine de surprise... J'ai parcouru énormément de chemin, j'ai fait face à des obstacles improbables, j'ai acquis une expérience moins modeste. Ca ne m'excusait en rien. Il y a trois ans... Je l'ai abandonné. Je ne comptais pas la revoir. Pourquoi maintenant ? Je réfléchissais à cette délicate question pendant que mon nez frôlé le bois de sa porte. Je venais de me faire jeter dehors et ma seule réflexion résultait sur un passé commun, entre nous deux. Je me revoyais, dans ce parc. Après des mois consacrés à retrouver toute ma mémoire, je me suis rappelé...

Elle était assise, là, sur un banc. Au milieu de cette végétation diversifié, d'une verdure étonnante. Mais d'un gris triste et d'un orange d'automne tout à fait commun, qui fondait le paysage de la nuit naissante. Je l'observais de loin. J'avais la respiration saccadée. A ce moment précis, je posais une seule et unique question : devais-je la retrouver ? Lui demander son pardon et m'asseoir à côté d'elle pour des retrouvailles émouvantes ? Je baissai les yeux. Tout homme aurait eu le coeur s'accélérant, la peur au ventre et une boule dans la gorge. Mais l'intensité de mon émotion était encore et toujours manquante. J'aurais donné ma vie pour elle mais les plaies encore fraiches de mon dernier combat m'avaient tellement affaibli et épuisé au cours des dernières semaines que... Je ne pouvais plus ressentir ce que j'avais ressentis pour elle. Je la regardais simplement lire tandis que la brise venait lui caresser la joue. Au bout de quelques minutes, elle ferma brusquement son bouquin. D'aussi loin que je pouvais, je vis une larme coulait le long de son si beau visage. Mon bon sens se battait avec mon égoïsme. Finalement, je me retourna. Je n'avais nul besoin de lui faire subir ça. Je n'étais plus capable d'assumer ma promesse. Je fis quelques pas, les mains bien au chaud. Ma jambe droite ne marchait pas correctement et je boitais durement. Je garde une dernière fois son portrait en souvenir. Puis, trainant la patte, je transplana dans de faible lumières argentés qui formaient une fine fumée se perdant dans le ciel. J'avais oublié mes sentiments. Comme je pouvais oublier simplement oublier un nom.

C'était une courte explication, mais véritable. C'était l'unique que j'avais. De réels sentiments ne disparaissent jamais mais les miens sont tellement enfuis que je ne pouvais que de l'admirer pour sa personne et non pour la romance qu'elle aurait pu m'offrir. Je soupira ; de toute évidence, je n'étais pas venu pour ça. Du moins, ce n'était pas l'unique raison.
Elle me rouvrit la porte. Et me pria d'entrer, d'un ton froid. J'avançai lentement pour atterrir au milieu de la pièce. Je me plaça derrière elle. J'ignorais par quelles émotions elle passait actuellement. Tout ce que je devais tenter, c'était la délicatesse... Je pris un ton qui suppliait à la fois fermeté et miséricorde. Je n'avais pas envie qu'elle me prenne dans ses bras en pleurant ou qu'elle me projette par la fenêtre par rancune, je voulais que l'on discute. Du temps qui nous a réunis, qui nous a séparé... Et peut-être de celui qui nous réunira à nouveau.

« MICHAEL TERRAGONE : Je regrette.

Ces deux mots étaient sincères. Je regrettai vraiment de ne pas avoir vécu cette période avec elle comme j'aurai du. J'aurais souhaité vivre certaines aventures à ses côtés. Lorsque je lui avais proposé de m'accompagner, ma proposition n'avait pas été scrupuleusement étudiée mais spontanée et plus qu'authentique. A la place, ma solitude m'avait encore gagné pendant qu'elle avait du m'attendre. Au bout de quelques jours, elle a sûrement du abandonner. Mais je regrettai sincèrement... Cela dit, je n'avais plus non plus l'air d'un grand nostalgique si ? Je n'en étais pas un. Le passé est le passé. Ce qui m'intéressai, uniquement, c'était le présent.

« MICHAEL TERRAGONE : J'aurais voulu tenir ma promesse et venir te chercher.

Je la fixais dans les yeux. Jusque là, tout semblait pratiquement logique. Seulement, ce n'était pas parce que je venais de le penser qu'elle l'avait appris. Je me devais de lui dire ses deux phrases que toute créature masculine a du tenir un jour ou l'autre. Entre l'une et l'autre, j'avais marqué une pause. Et je marquai une plus longue pause entre ce que je venais d'annoncer et ce que allait être prononcé. Je commença tout doucement à entreprendre une manœuvre pour m'asseoir sur le fauteuil. Autant être confortablement assis.

« MICHAEL TERRAGONE : Mais je suis mort entre temps.

Ces paroles me ressemblaient plus. J'étais quelqu'un d'égocentrique et tel était mon habitude : verser dans le drame, voir dans le grand guignolesque. Ce que je disais n'était pas faux, ni vrai, ni même un peu exact. Une partie de moi est morte au passage, tandis qu'une autre renaissait discrètement. Cette flamme qui me permettra assurément de survivre aux épreuves dangereuses que m'attendait ma quête. Mais surtout... Cette flamme qui m'a permis d'avoir le courage de demander à Noami de venir avec moi. La même qui m'a permis de venir la revoir. Ce soir-même.

A première vue, elle n'acceptait guère mon prétexte. Bien qu'il était valable. Mais ma « Mort » ne l'avait pas satisfaite ; du tout. Ca l'avait même mis en rogne plus qu'autre chose. Quoique je doutais que ce soit réellement mes paroles qui la mettait dans cet état. J'aurais parié sur ma simple venue. Ma présence tant souhaitée il y a des années et tant rejetée à ce jour. Ce qu'elle n'attendait plus. Pour elle, en parlant de ça, je devais compter... pour mort. Ou comme un vil salop de plus qui l'avait abandonné. D'un autre côté, pas comme si je n'y avais pas été forcé. Mais peu importe les quelques explications que je pouvais donner. Mes raisons n'avaient plus d'importance. Je n'avais nul besoin de les décrire telles qu'elles fussent, à quoi bon ? J'estimais l'avoir assez fait souffrir pour en rajouter. Non ? N'avait-elle pas emplit de chagrin ? A se promener sur un espace confiné de cinquante centimètres carrés, les dents serrées, les bras croisés et les yeux humides. N'avait-elle pas tant endurer de douleur et de noirceur pour en arriver là ? Mais... allais-je repartir pour autant ? Non. Les conditions dans lesquelles elles m'avaient laissé sur place ne me plaisaient pas le moins du Monde. J'allais resté. Quoi lui dire ? Je l'ignorais encore. Partir comme un voleur, comme un coupable, comme un lâche... Ca ne faisait pas long feu dans mes habitudes. Je ne suis pas comme ça. Elle le savait.

Les paroles qu'elle déballait, je les sentais plus que sincères. Cela n'avait rien en commun avec le fait qu'elle croyait qu'elle aussi en avait suffisamment baver. De ma faute. Peut-être pas que de la mienne. Mais en partie de ma faute : pars vite et reviens tard... Je ne cessais de me remémorer tout cela. Cette action tant anodine que j'avais accomplit : transplaner. Pour sauver ma misérable vie. En changeant le destins d'autres personnes, chères ou inconnues. Trois ans et jamais je ne l'avais oublié. Elle me hantait la nuit. Dès que je fermais les yeux, je voyais cette odieuse créature... Aliénor... Me battre. Toujours et d'avantage. Ma courte expérience et ma distraction m'empêchaient toutes défenses. Jusqu'au moment où je réussis à lui jeter un sortilège, ce qui m'offre assez de temps pour disparaître. De là, j'ai du me reconstruire en dix fois moins de temps que je ne m'étais bâtit.
Sombre passager que voilà. Je fixais Noami. Lui présentant mon regard le plus désolé. Un désagréable mélange entre le regret, la fureur et l'arrogance. Je savais par quoi elle traversait. Cette amer tristesse qui l'avait changé.

« NOAMI KERMAN : Tu sais, moi je suis morte le jour où tu m'as abandonné. Tu étais mon seul espoir.

Ce semblant de sentence me crispa. Je baissa la tête. Ma paume s'appuyait sur le fauteuil. Je soupira. Puis me redressa en un rien de temps. Ce qui eut l'effet inverse pour elle, qui venait de s'asseoir sur le canapé. Je fis quelques pas, les mains derrière le dos. Je réfléchissais aux options plausibles. Et, au passage, à mes sentiments enfuis. Bien entendu, ils ne revenaient pas en express. Étaient-ils seulement toujours présents ? Et si... et si je l'espérais ? Et si je préférais vouloir l'aimer à nouveau plutôt que d'oublier le passé. Néanmoins, ça me paraissait invraisemblable. Les temps changent, la tendresse et l'affection que l'on a pour les autres évoluent. La rancune, par contre, c'est une autre histoire. Les souvenirs d'une amante peuvent nous échapper mais ceux de nos adversaires les plus redoutables subsistent quoi qu'il arrive. J'en savais bien plus que quiconque : une photo me narguait. J'apercevais clairement Noami, rêveuse ou tout simplement distraite. Elle se forçait à scruter d'autres paysages. Tandis qu'un homme, la trentaine passée, tout sourire enlaçait joyeusement une demoiselle, à peu de choses près du même age. La chevelure blonde, le regard attrayant et furieux. Je devais avouer que ça demeurait étrange comme photo de « famille ». Voire même suspect. Je me retournais brusquement. Elle était toujours assise sur son sofa, recroquevillée sur elle-même.

« NOAMI KERMAN : Qu'est-ce que tu veux d'autre ? Tu veux que je te pardonnes c'est ça ? Dis-moi ce que tu veux.

J'avançai vers elle, sans émettre un son. Au vol, j'avais attrapé la photographie bien emballée dans son cadre. Je m'étais approché furtivement, d'une lenteur incroyable et d'un calme énervant. M'apprêtai-je réellement à faire ce que je croyais ? C'était bien mon genre. Alors oui, je m'apprêtait vraiment à faire une telle chose...

« MICHAEL TERRAGONE : Je voudrais éclaircir un point : pourquoi ton oncle a tenter de me tuer ? Le sais-tu ?

Question rhétorique. Du moins, moi, je n'étais plus dans l'ignorance. J'avais fait mon enquête et j'étais plutôt bien renseigné. Sa nièce ne l'était pas. En même temps, je vois mal quelqu'un de l'envergure de son cher oncle lui annoncer qu'il m'avait envoyé à la « guillotine » en m'achetant pour assassiner un ennemi bien plus fort que mes capacités ne puissent l'être. Comment avait-il osé s'en prendre à moi d'abord ? Là, encore, j'avais ma réponse. Ou presque. Mais la réponse ne comptait pas. Pas plus que la vengeance ou tout autre règlement de compte à... l'amiable. Seul Elle importait.

En un coup, je brisai la structure de l'image que j'avais actuellement en ma possession. Le verra vola en éclat. Sans me blesser. Je la laissai tomber. Je ne m'en souciai pas. C'était simplement pour le dramatique et le symbolique. J'adorais ça ; mais ce n'était pas à l'ordre du jour.

« MICHAEL TERRAGONE : Bien sûr que non. Tu l'ignores.

Je me posa avec délicatesse près d'elle. Sans forcer, je la pris dans mes bras. Je n'avais pas peur d'être rejeter, même si ce serait tout à fait son genre de me repousser et de me redonner une autre claque. Je ne craignais pas sa réaction. Il était juste temps, et je venais de le décider à l'improviser, que je tienne enfin ma promesse. Je caressai la mèche de cheveux qui couvrait son oreille, la laissant nue. Puis je rapprochai mes lèvres de celle-ci. Je lui chuchotai là une mélodie qu'elle n'aurait jamais cru entendre de ma part... Il fallait que je sache.

« MICHAEL TERRAGONE : Que t'a t-il fait, Noami ? Que t'a t-il fait ?...

J'avais, de tout temps, été direct. Je n'y allais pas de main morte, j'annonçais les choses sans prendre la peine d'être délicat. Prends ça. Cash. La subtilité, c'est pour les moldus ! Enfin non, je ne le pensais pas réellement. J'étais juste comme ça. Et je devais avouer que j'aurais pu faire un effort pour Noami... Je ne l'avais pas trop ménagé. J'étais revenu comme bon me semblait, sans la prévenir. Une entrée peu théâtrale, suivie expressément d'une claque et un peu plus tard, des larmes de la jeune femme que j'eusse aimé. La mélancolie étouffait la pièce. Mes regrets me fendaient. Où ça allait me mener d'abord ? Où ça allait nous mener plutôt ? Je n'étais plus seul dans cette histoire. Je m'étais libéré de mon fardeau, tout comme elle. Ce que son oncle avait tenter de me faire méritait leçon voire vengeance. Ce qu'il lui avait fait... Là, il méritait la mort. La mort de ma propre main, précisément. Ou de celle qui venait de quitter mes bras. Des deux, ce serait tout aussi bien. Pourvu qu'il pousse son dernier souffle, ça me convient. John Noble, tes jours sont comptés. Toi qui te crois si puissant, un jour tu tomberas. Comme tout ceux qui tes prédécesseurs.

Bon, bien entendu, j'étais loin d'être un imbécile. J'avais beau être suicidaire, coriace et parfois même kamikaze, je n'irais pas affronter sa petite armée juste pour mettre fin à sa misérable existence ; en plus, si je réussissais à les vaincre, ça ferait légèrement prétentieux. Non. A ce niveau, j'étais plus stratégique. Pas question de faire la moindre erreur. Je prenais ça au sérieux, tout comme mes autres contrats. L'avantage, c'est que j'avais une longueur d'avance et plusieurs cartes en mains. Peut-être même qu'Aliénor serait intéressée par l'identité de celui qui m'avait engagé non ? D'un moyen ou d'un autre, il y passera. Je le garantis. Mais il ne fallait pas trop que je m'implique personnellement... Ce qui est complexe... Vu qu'il y a Noami dans l'histoire... Je n'ai jamais été doué pour les relations personnelles moi. Mais qui l'eut cru, en plus d'avoir du culot, les quelques choix que je prendrai ce soir auront un impact d'une grande importance sur mon futur. J'espérais juste que, cette fois, une vampire n'allait pas débarquer de nulle part et m'empêcher d'accomplir mes promesses. Croisons les doigts.

Je posai mes yeux sur la demoiselle que j'avais enlacé quelques minutes auparavant. Je l'avais entendu dire elle-même que c'était trop dur. Je la comprenais. Elle me fit ensuite promettre de ne rien faire de stupide. Ma tête avait acquiescé seule, presque machinalement. Avant qu'elle ne prenne ma main avec la sienne... Ce contact m'émoustilla. Ca y est, je redevenais sentimental. Ca n'allait plus ça. Pourtant, le seul réflexe que j'eus, c'était de lui caresser ses doigts délicatement. Chose encore plus étrange. Remarque, c'était agréable de faire ça. Pour une fois que je ressentais un peu d'humanisme de ma part.
Juste à temps qu'elle ne me raconte les accomplissements de son cher oncle. Quel enfoiré. Comme j'avais déjà dis, il méritait la mort pour ce qu'il avait fait. A mes heures perdus, depuis trois ans, j'avais enquêté sur lui. Ca donnait raisons à mes connaissances bien renseignées sur sa personne. J'avais inspecté sa vie de l'enfance jusqu'à son apogée. Il a commis des crimes horribles, bien malgré lui, mais son pire crime fut de s'attaquer à Noami. Elle était jeune, sans défense et orpheline. Comment avait-il osé ? Les plus forts prennent toujours le dessus sur les plus faibles. Pour autant que je sache, à certains instants, j'avais été dans le même cas. Dorénavant, ce genre de comportement était offensant pour ma part. L'allure d'un justicier ne me ressemblait pas, je sais... Devais-je adopter l'attitude d'un salop finis aigri par l'argent et par la peine ?

Une seconde après qu'elle m'annonça que je n'aurais pas du revenir, je lâchai sa douce paume. Je lui essaya ses pleurs. Je n'aimais pas quand les larmes ruisselaient sur son visage. Ca me rendait... triste... Empathie ? Je crois bien. En attendant, mon rôle n'était pas de jouer les mouchoirs. Je bondis du canapé. Je me tournai vers elle.

« MICHAEL TERRAGONE : Peut-être que je n'aurais pas du. Néanmoins, maintenant, je suis là.

J'ignorais si la manière dont j'avais dis ça était réellement rassurante. Surtout que ce fut immédiatement suivis de l'ouverture de la fenêtre par laquelle j'étais entré. C'était moi qui avait fait ça ? Je sais bien que j'adorais être dramatique et faire en sorte que ce soit « comme dans un roman d'aventure » mais de là à imiter Superman... Il y a des limites... Quoi qu'avec le toupet que je vais avoir après, ça ne me surprenait pas plus que ça.

« MICHAEL TERRAGONE : Mais pas pour longtemps. J'ai des choses à faire...

On pouvait littéralement croire que ça m'embêtait d'être venu à ce moment. Du genre « discuter me gêne pas, mais tu me fais chier alors je me casse ». C'était faux, vraisemblablement. J'avais toute autre intention en disant cela ; pas ce genre d'intention, non. Je tendis ma main vers Noami. Vous devinez la suite ?

« MICHAEL TERRAGONE : Je ne peux pas me résoudre à te laisser comme je l'ai fais. Suis-moi.

Et oui, j'avais osé.

Possédais-je tant de persuasion ? D'autorité ? Dégageais-je un aura de confiance ? Ou était-ce juste le charisme ? Je l'ignorais. Je n'avais jamais été fait pour mener quelque chose ou quelqu'un. J'avais pour habitude d'opérer en solitaire, malgré mes liens étroits avec d'autres assassins ou des chasseurs d'informations. Je n'avais aucun ami. Du moins, personne ne pouvait réellement prétendre être mon ami. Quelques alliés m'aidaient dans quelques situations mais comme moi, ils atteignaient leurs buts seul. Par conséquent, ils n'avaient nul besoin de ma personne et je n'avais nul besoin de la leur. Tout cela ne demeurait que des relations ambigües et diversifiés. Je n'appartenais pas au gêne humain banal à vrai dire. Je me situais en tant qu'isolé, véritable marginal. Je le serais toujours. Comment se fait-il qu'elle ait décidé de me suivre ? Certes, je lui avais proposé cette alternative. Est-ce que je l'ai voulu ? Oui. Est-ce que j'espérais qu'elle accepte ? Aussi. Est-ce que je croyais qu'elle allait le faire ? Je n'en ai aucune idée. Le problème, c'est que je n'ai pas plus idée d'où ça nous mènera tout deux. Pour l'une des premières fois depuis des années, j'étais dans le doute. Un doute qui me contait milles et une tournures que prendrait ma vie et la sienne. Tout était possible. Qu'on ne se quitte plus jamais, qu'elle veuille rentrer au bout d'un unique voyage... Et puis merde, ce qui compte, c'est le présent. Il fallait que j'arrête avec cette manie, ce sentiment de devoir absolument réfléchir au passé, à l'avenir. A cet instant, précis, elle venait de m'annoncer qu'elle m'accompagnerait. La réaction la plus logique serait que je sois content. Heureux. Comblé, n'abusons pas. Mais heureux me semblait largement convenir au contexte. J'esquissai un sourire hébété. Quoi ? Je n'avais rien d'autre en stock.

En attendant, je la regardais faire. Elle scrutait son propre salon à la recherche d'objets à emporter. Utiles de préférences. Sa tâche dura un petit temps, mais elle finit par stopper toute exploration mentale de l'endroit. N'ayant pas mis la main sur quelque chose d'utile, elle se retourna vers moi. D'un air décidé et enjoué.

« NOAMI KERMAN : Bon tant pis, on y va hein !

C'est là qu'au lieu de lui proposer un bras pour transplaner, je restais cloué sur place. Certainement parce qu'elle venait de m'embrasser. Un petit baiser, presque discret. Collégien, pour dire. Dans le genre imprévu, ça, c'était pas mal. Cette femme était totalement imprévisible ! Dix minutes plus tôt, elle m'infligeait d'une claque et d'un rejet. Maintenant, voilà qu'elle posait ses lèvres sur les miennes. Si, c'est moins poétique, mais littéralement, c'était ce qu'elle avait fait... Elle me bouleversait. Bien ça le problème d'un autre côté. Tant pis. Ce n'est tout de même pas ça qui va me gêner. Je vais mettre ça sur le compte de l'excitation.

« NOAMI KERMAN : Bon...euh...je vais prendre...un truc !

Oui, comme je constatais, les circonstances avaient été chamboulés sur ce coup. Elle avait réussit à passer de la colère à l'extase, en passant par un court épisode triste et mélancolique. Je m'étonnais encore que j'étais tombé sous son charme il y a trois ans. Spontanée, sérieuse, élégante quand il faut et une âme torturée d'enfance qu'elle est loin d'oubliée. Je crains qu'elle ne me ressemblait sur divers points. Excepté qu'elle ne tuait personne pour de l'argent. Je penses. J'aurais été mis au courant sinon.

Bref.

Ca ne m'avançait pas beaucoup cet atmosphère de confusion. Je fis trois pas, juste ce qu'il fallait pour l'atteindre. Elle sillonnait la pièce. Je l'attrapa, agrippant son poignet et je la plaqua vigoureusement contre moi. Mon bras couvrait sa taille tandis que nos lèvres s'étaient considérablement rapprochés par l'occasion. Je la fixais dans les yeux. Je me plongeai discrètement dans ses yeux magnifiques, d'une couleur envoûtante d'un regard perçant. Et je savais à quoi on pouvait s'attendre dans cette position. Ca ne m'aurait pas déplu. J'avais juste d'autres projets en tête.

« MICHAEL TERRAGONE : Où voudriez-vous aller, young lady ?

J'avais repris ce surnom étrange que je lui avais donné bien dès notre rencontre. Le prononçant avec un accent Anglais qui battait de l'aile, je devais l'avouer. Et accompagné de ce vouvoiement comique que j'employais pour exprimer ma sympathie ; voire plus. J'étais sympathique ? Peut-être. « Bug, however, she's my lady. Isn't she ? ».

Je devais la surprendre, réellement ? Alors que depuis le début, c'est elle qui me surprenait. A changer d'émotions comme elle changeait de chaussure. Je n'allais pas jusqu'à dire que ça me déplaisait ; mais ça me changeait. Et cela me faisait surtout revenir trois ans plus tôt. Comme si rien ne s'était produit, comme si je ne l'avais jamais abandonné, comme si nos soucis n'avaient jamais existé. Ni Aliénor, ni son oncle, ni Evan, ni Benam, ni rien d'autre. Qui demeurait les causes et les conséquences des nos brefs adieux. Comme si ces nombreuses semaines, ces nombreux jours, ces innombrables heures, minutes et secondes sans sa présence à mes côtés. Tout ça, effacé, d'un seul coup de baguette si je puis dire. Noami. Te revoilà. Mes bras autour de moi. Tes lèvres sur les miennes. Sans que les mauvais souvenirs ne te sois remonté à la tête. C'est... touchant.

Mais je devenais trop sentimental. Les sentiments, c'est un désagrément, un fardeau. Une perte de temps considérable pour la mission. La mission passe avant tout. Surtout quand celle-ci vous tiraille et vous menace de mort chaque jour. D'où me venais cette envie soudaine de l'emmener avec moi ? D'avoir des alliés à mes côtés ? Je ne sais pas. C'est une bonne question. Je me la poserais plus tard. Et même si je ne me sentais pas assez fort pour l'aimer, je me sentais assez fort pour pouvoir la protéger. Ce n'est pas cinq petits chinois par jours qui vont me faire peur. Certainement pas. Surtout s'ils menacent la vie de cette jeune demoiselle à la chevelure rousse, si ravissante et... Non pas, innocente. Je savais également qu'elle savait très bien se défendre toute seule. Remarque, c'est à cause de cette marque de fermeté et de certitude dans sa façon de combattre qui m'a séduite. Son intégrité est aussi une bonne chose. Là, en l'occurrence, elle a du la laisser.

Oui. Je la regardais, assise sur le sofa. Elle attendait, tranquillement. Elle patientait, mais était impatiente. Je la connaissais. Que voulait-elle de moi ? A part... Évidemment. Souhaitait-elle que je termine son travail et que je déboutonne plus ma chemise ? Ou bien que je cède à la tentation de quelques plaisirs charnels ? Les trois en même temps en même temps. Les deux, pardon...
Bref. J'avançai d'un pas décidé et contournai la table. Sans dire un mot ou émettre une seule de mes intentions, je tentai de me trouver un angle confortable. Je finis par poser mon genou dans un endroit improbable. Elle restait les bras croisés et les jambes rangées. Tandis que je m'approchai d'elle lentement. Je posa une main dans son dos, puis fit courber nos corps. C'était... pour le moins, sensuel. J'étais presque couché sur elle. Ca faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvé à faire ce genre d'acrobatie. La dernière fois, c'était quand... Non. Non, vous ne voulez pas savoir. Et puis, là, c'était tout à fait différent. Je ne comptais pas l'assassiner, elle. A vrai dire, je la fixai dans les yeux. Je basculai ma tête vers son oreille, amenant ma bouche au niveau de celle-ci. Ma joue froide frôlait sa propre joue, un peu plus chaleureuse. Sacrée Noami.

Esquissant un sourire, je finis par lui chuchoter.

« MICHAEL TERRAGONE : Accroche-toi.

Soudainement, le verrou de sa porte se ferma tout seul. Et nous partîmes dans un écran de fumée argenté. La fenêtre se fermant dernière nous. Voilà. Elle avait abandonné sa vie d'avant. Son appartement. Son oncle. Et croyez-moi sur parole : elle n'est pas prêt de revenir. Cette fois, je ne comptes pas la laisser partir. En théorie.