Cocktail de Fruits & Vodka Tonique [FE]

On n'est pas ivre tant qu'on peut rester allongé dans un bar sans avoir besoin de se tenir au plancher. Feat. Noak & Elliot

Je suis le mal aimé, je suis le mal aimé.

Cette chanson de Claude François trottait dans la tête d'Elliot depuis plusieurs jours déjà, si bien qu'il aurait eu envie de tuer ce chanteur de malheur qui était déjà mort. Un rien l'agaçait, il était facilement irritable pour la moindre broutille. C'était mieux de ne pas lui adresser la parole si on le croisait, et les quelques fous qui tentaient d'établir un dialogue déguerpissaient en vitesse.

Il avait cessé de travailler pour un temps, ne se sentant pas assez d'aplomb pour retrouver des objets que des élèves débiles auraient égaré. Pourtant, cela lui aurait permis de penser à autre chose... Deux femmes peuplaient son esprit, l'emplissant d'une rage sourde et inébranlable. Il ne parvenait pas à les chasser de ses pensées. Il ressassait sans cesse tout le mal qu'elles avaient pu lui faire... Ce n'était pas la meilleure thérapie pour guérir, mais tant pis, il était suffisamment entêté pour se persuader que c'était la seule solution envisageable.

Il déambulait sans but dans les rues de Londres, jusqu'à ce qu'il sente sa gorge devenir atrocement sèche. Il faisait très chaud sous ce soleil de plomb, et puis ce bar juste devant lui semblait lui tendre les bras...

Esquissant un petit sourire en pensant à la consolation de boire un bon verre parmi des inconnus, il accéléra l'allure et entra dans le bistrot. Il se hissa sur l'un des tabourets et commanda un cocktail de fruits avec une paille et une ombrelle. Oui, c'était étonnant de voir un grand gaillard comme lui prendre autre chose qu'une vodka ou un scotch bien fort, mais il avait toujours préféré les boissons fruitées et sucrées. Cela ne le rendait pas moins virile pour autant, même s'il eut un léger doute en voyant le barman poser un verre triangulaire et évasé, rempli d'un liquide orangé, d'une paille rose et d'une ombrelle de la même couleur. Elliot émit un petit "gloups" et lança un regard noir à son verre qui en disait long sur lui. Il entendait les gens rire derrière lui, mais il ne savait pas s'ils se moquaient de lui ou s'ils parlaient d'autre chose. Quand on se sent honteux, on a toujours l'impression que les réactions alentour nous concernent.

Elliot tourna la tête sur le côté et remarqua un homme qui observait son cocktail. Ne prenant pas le temps de vérifier s'il avait l'air de se moquer ou non, il répliqua :

"Oui bah ça va ! J'ai eu... que des mauvaises journées ces derniers temps ! J'ai bien le droit de décompresser comme je veux !"

Et, pour appuyer ses dires, il prit son verre et en but une gorgée en manquant de se coincer la paille au fond de la gorge.

Plus virile que ça, tu meurs.

Le mec à qui Elliot venait de s'adresser ne fit aucun commentaire, se contentant de prendre son verre et de s'en aller en riant. Cette journée ne s'annonçait guère meilleure que les précédentes... Jetant un regard noir à son cocktail qui avait failli le tuer quelques secondes plus tôt (il ressentait encore la douleur de la paille qui s'était enfoncée dans sa gorge), il s'en désintéressa lorsqu'un autre type jugea utile de lui parler. Il tourna la tête vers lui et s'aperçut qu'il était accoudé au bar, à seulement deux tabourets de lui. Le mec en question lui donna un excellent conseil, auquel Elliot faillit lui répondre d'aller se faire foutre. Il avait encore le droit de boire ce qu'il voulait ! Qu'importe si ça faisait efféminé, lui se sentait très virile en le tenant à la main ! Il préféra tout de même enlever la paille tueuse et la petite ombrelle, histoire de rendre le tout moins ridicule.

Puis il observa le verre juste devant le type. Un verre de vodka glacée, ça c'était la classe. Ca devait faire frémir toutes les filles de voir un grand ténébreux comme lui face à une boisson aussi forte. Ca faisait genre le type qui contrôle la situation, le baroudeur de première à qui on ne la fait pas. Mais comme Elliot n'avait pas envie de draguer et qu'il comptait prendre une année sabbatique avec toutes les filles, quelles qu'elles soient, il continua de loucher sur le verre de son voisin de comptoir sans dire un mot.

Il sursauta légèrement en entendant le gars aboyer "Quoi ?" en le regardant. L'expression qui s'afficha sur son visage à cet instant lui rappela une autre personne, et il plissa des yeux juste avant de se dire qu'il devenait complètement malade. Il était tellement hanté par Kiara qu'il la voyait partout, c'était limite angoissant !

"Rien..." répondit-il d'un ton fuyant en approchant son verre de ses lèvres puis en l'éloignant, n'arrivant pas à se décider s'il allait boire ou non. "Vous me rappelez quelqu'un, en fait... On ne s'est pas déjà vu quelque part ?"

Ok, là ça faisait limite drague. Elliot se rendait-il compte qu'il avait un homme devant lui et pas une fille ? Il faut dire qu'il était chamboulé en ce moment, mais à ce point, ça devenait grave ! En plus, vu la remarque que le type lui avait fait, il allait penser qu'il était gay ou un truc du genre ! Le jeune homme jugea donc utile de préciser, en désignant son cocktail de sa main libre :

"En ce qui concerne mon cocktail, je voulais vraiment celui-là. C'est juste que les boissons fortes ne m'ont pas tellement réussies, c'est derniers temps. La dernière fois que j'en ai bu, je me suis retrouvé dans une cabine de toilettes avec une blonde accrochée à mes lèvres. Sur le papier, ça donne envie, mais en vrai, c'est vite devenu un cauchemar !"

Il eut un petit rire à la fois nerveux et rêveur, puis sauta sur le tabouret d'à côté afin de se rapprocher du mec. Là, il lui tendit la main avec un sourire sympathique.

"Au fait, je me présente : Elliot Mckee."

Le mec posait un drôle de regard sur lui, un regard assez antipathique d’ailleurs... A moins qu’Elliot ne se fasse des idées, encore une fois ! Avec les derniers évènements de cette semaine, il avait de quoi virer totalement paranoïaque ! Il le regarda vider son verre d’un trait, essayant de ne pas paraître impressionné (même s’il faisait de grands yeux ronds sans s’en rendre compte), et en commander un autre pratiquement aussitôt. Ce grand gaillard tenait bien l’alcool, ça ne faisait aucun doute. Cependant, ce n’était pas la qualité qu’il préférait chez les gens. Il les aimait un peu moins imbibés de vodka et un peu plus causants. Mais bon, il ne fallait pas trop en demander lorsqu’on se rendait dans un bar. On faisait rarement des rencontres passionnantes. Personne n’avait jamais rencontré les frères Bogdanov ou Albert Einstein à un comptoir ! D’un coté, ce serait difficile de le rencontrer celui-là, vu qu’il était mort depuis longtemps. Bref, revenons-en au monsieur qui lui tendait la main à son tour tout en se présentant. Nolan. Bizarre comme prénom, à moins que ça ne soit son nom de famille ? Impossible de le savoir. C’était le genre de type qui cultivait le mystère. Malgré tout, Elliot lui serra la main aussi chaleureusement qu’il put.

L’autre gars, le dénommé « Nolan » sortit alors son paquet de cigarettes et le tapota pour en faire sortir une. D’un geste expert, il l’alluma et posa une question tout à fait déplacée à Elliot tandis qu’il tenait sa clope en main.

Le jeune homme se laissa un instant hypnotisé par les volutes de fumée, songeant soudain que c’était cela qui lui manquait : un nouveau style ! Il pourrait se mettre à fumer ! Dans dix ans, il choperait un cancer et hop ! On n’en parlait plus ! Mettant cette réflexion de côté car l’idée de finir par respirer avec une machine ne l’inspirait pas plus que cela, finalement, il se redressa sur son tabouret et s’accouda sur le comptoir, un petit sourire se dessinant malgré lui sur ses lèvres.

« Elle était pas mal, ouais… Pourquoi vous me demandez ça ? Vous voulez que je vous branche avec ? Je vous préviens, elle est assez… dangereuse ! Franchement, j’ai eu de la chance de m’en sortir vivant ! »

Il se tut un court instant, se demandant s’il allait lui raconter toute l’histoire ou non. C’était tellement humiliant d’avouer la facilité avec laquelle cette fille l’avait laissé sans aucun vêtement dans une cabine de toilettes… Il jugea bon de rester vague, et à la place, il posa une question à cet homme qui saurait forcément le renseigner, étant donné tout la virilité et l’assurance qu’il dégageait :

« A votre avis, c’est normal de se laisser entraîner dans une cabine de toilettes si une fille vous fait comprendre qu’elle veut… enfin, vous voyez ce que je veux dire ? Vous auriez fait pareil à ma place, je suis sûr ! »

Rongé par le doute, Elliot ne savait plus s’il avait eu une réaction normale. Il porta son verre à ses lèvres et le sirota tranquillement, puis le reposa sur le comptoir, attendant la réaction de Nolan. Réaction qui risquait fortement de lui déplaire, d’ailleurs…