Vodka Spassiba ! [FE]

On n'est pas ivre tant qu'on peut rester allongé dans un bar sans avoir besoin de se tenir au plancher. Feat. Vladimir & Elliot

Elliot commençait à être un habitué des bars. Il était grand temps que quelqu'un vienne le tirer de ce mauvais pas. Il se voyait comme M. Scrooge, au fond du gouffre, et il espérait que les fantômes des Noël passés, présents et futurs viennent vite l'aider à retrouver la joie de vivre. Bien entendu, il espérait être beaucoup plus sexy que Scrooge, qui était un vieillard tout rattatiné, mais pour le côté désespoir et repli sur soi, il l'égalait, hélas.

Il en était à son troisième cocktail de fruits, et regardait le fond de son verre d'un oeil vitreux. La paille rose et la petite ombrelle trainaient sur le comptoir, tels des objets inanimés échoués sur une plage, tandis que dans le coeur d'Elliot, la marée montait à très grande vitesse. Non, il n'allait pas craquer. Ce n'était pas parce que sa vie était devenue un champ de ruines qu'il devait automatiquement pleurer, et surtout pas dans un bar, au milieu de tout le monde ! Il déglutit avec peine et commanda un quatrième cocktail pour se redonner du courage. Ce n'était sûrement pas une bonne idée, car il voyait le comptoir se gondoler et la tête des gens se déformer, mais qu'importe. Il n'était pas saoul, il se sentait juste un peu ivre.

Il s'accouda un peu plus au comptoir et laissa glisser sa tête dans sa main, et en la tournant légèrement sur la gauche, il vit le barman poser un verre carré juste en face de lui. Son coeur manqua un battement, et il se saisit du verre avec un sourire qu'il essaya de ne pas tordre en grimace. Une fille lui offrait un verre ! C'était une occasion inespérée de se remettre en selle et de ne plus déprimer ! Sauf que la crainte qu'elle soit complètement cinglée le stoppa dans son élan. Il n'avait pas envie de se faire encore avoir. Il voulait un peu de tranquilité. Oh, après tout, il pouvait toujours discuter et boire un verre sans penser à autre chose.

"Qui m'a offert ce verre ?" demanda-t-il d'un air tout heureux en levant les yeux vers le barman.

Celui-ci lui indiqua une personne apparemment assise à côté de lui, et Elliot pivota maladroitement sur son tabouret pour lui offrir un grand sourire un peu niais... sourire qui s'effaça bien vite lorsqu'il vit qu'il s'agissait d'un homme. Plutôt grand, mince, l'air perpétuellement constipé et vêtu d'un costume coûteux, il l'observait d'un oeil curieux. Elliot fit une petite moue à la fois perplexe et légèrement inquiète, puis se recula le plus possible.

"Euh... désolé mon vieux, mais... je ne sors pas avec les gays qui s'habillent comme des pingouins."

Il aurait voulu être moins direct, mais comme il n'avait plus les idées claires à cause de ses quatre cocktails, les mots étaient sortis tout seuls. On avait de la chance que ça ait formé une phrase à peu près cohérente.

"Ca vous arrive souvent d'accoster les gens avec un verre de jus d'orange ?"

Il venait de renifler le verre carré, et s'était rendu compte qu'il s'agissait d'un jus de fruits non alcoolisé. Décidément, ce pingouin humain avait de drôles de façons de saouler quelqu'un.

S'il avait eu un marteau, Vladimir aurait cogné contre les murs. Il aurait cogné le jour, il aurait cogné la nuit. Il y aurait mis tout son cœur pour faire disparaître de sa tête l'image de Aliénor. Cette jeune femme l'envoutait totalement, et sans utiliser le moindre maléfice. Il ne pouvait plus se la sortir de la tête. Il aurait tant aimé, mais ça lui était impossible. Comment un sorcier, Ministre de la Magie, pouvait sortir et coucher avec une Vampire ? En réalité, il n'était même pas sûr qu'ils sortaient ensemble. Il lui aurait bien fait bâtir une ferme, avec une grange et une barrière, mais elle en aurait pas voulue. Car elle ne voulait pas quelque chose de durable et qui l'enchaînerait à Vladimir. Et pourtant, ce serait le bonheur.

Le sorcier venait de boire son huitième verre de la soirée. Il ne risquait pas de tomber de sa chaise avec cette mixture composée principalement de jus d'orange et de jus d'ananas, mais il ne voulait pas se saouler, surtout que quelqu'un allait le rejoindre. Il aurait ressemblé à quoi devant la jeune femme qu'il attendait, si elle franchissait la porte de la taverne et qu'elle le voyait en train de danser torse nue sur la table ? Non pas qu'il n'était pas beau, enfin que son torse n'était pas somptueux, mais il ne voulait pas donner cette image de lui.

Un jeune homme était assis à ses côtés depuis plusieurs minutes maintenant, et il en était déjà à son quatrième verre. Et lui, il n'hésitait pas à boire de l'alcool. C'était sans doute plus par pitié qu'autre chose, que Vladimir avait indiqué au serveur d'apporter un verre, comme le siens, c'est à dire à base de jus d'orange, à Elliot. En réalité, il n'avait pas pitié de Elliot, mais il avait pitié de lui même. Car s'il avait pris de l'alcool comme il le souhaitait, et non du jus d'orange, il serait dans le même état que lui. Ca devait être une fille. C'était surement une fille qui l'avait mise dans cet état. Ce sont toujours les filles les responsables.

"Le jus d'orange c'est très bon pour la santé."

C'était la seule phrase que Vladimir avait prononcée pour répondre au jeune garçon. Il devait avoir quoi ? Vingt deux ou vingt trois ans, non ? Sans doute une personne qui subissait une peine de cœur pour la première fois de sa vie. Chez certaines personnes ça vient tard. Il avait vidé son verre de jus d'orange/ananas, et il avait demandé au barman de le resservir. Pendant ce temps, il s'était tourné vers Elliot, d'un air septique.

"Vous n'aimez vraiment pas mon costume ? C'est un Armani. Je l'ai fait venir directement d'Italie. J'achète toujours mes costumes en Italie. La découpe est meilleure chez eux. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Ils doivent avoir cela dans le sang. Vous êtes le premier à me dire que ça fait pingouin. "

Il s'était tourné vers le barman, qui le regardait bizarrement tout en lui tendant son verre de jus d'orange/ananas. Vladimir le prit, et fit un grand sourire au serveur pour qu'il comprenne que ce merci, symbolisait aussi un "laissez nous maintenant". Car il voulait avoir une conversation avec le jeune homme en toute liberté, sans être jugé par un pathétique barman.

"C'est une fille qui vous met dans cet état ?"

Voilà que le pingouin lui donnait un cours sur les vertus du jus d'orange. En cet instant, Elliot aurait bien voulu avoir un tueur à gages sous la main, genre Michael Terragone, mais comme il n'avait aucun moyen de le contacter (et qu'il n'arriverait sûrement pas à s'expliquer correctement), il préféra garder les yeux rivés sur son verre qu'il tenait fermement en main, sans pour autant l'avoir soulevé du comptoir.

Pourquoi ce type s'incrustait-il dans sa dépression post Charlie/Kiara ? C'était SON coup de blues ! Il n'avait besoin de personne pour discuter ! Il voulait être seul, à tout jamais si possible ! Il voulut le faire savoir au pingouin humain, mais lorsqu'il se tourna brusquement vers lui, le bar se mit à se gondoler dans tous les sens, si bien qu'Elliot dut se cramponner au comptoir pour ne pas tomber. Tanguant sur son tabouret, il cligna plusieurs fois des yeux pour essayer de retrouver une vision correcte, et l'homme en profita pour parler de son costume. Non mais franchement, qu'est-ce qu'il en avait à faire ?

"Je ne veux pas vous froisser, vous et votre costume, mais honnêtement, vous auriez un bermuda sur les fesses, ça me ferait le même effet, c'est-à-dire : rien. Alors allez draguer quelqu'un d'autre... C'est pas que je suis pris, mais je ne suis pas libre pour autant."

Sa réplique, qui sonnait si bien dans sa tête, n'eut pas le même rendu une fois prononcée, car il avait tout dit d'un ton pâteux et n'avait pas articulé la moitié des mots. Qu'importe, l'essentiel y était. Du moins, il l'espérait. Il reposa les yeux sur son verre de jus d'orange, comme s'il hésitait à le boire, et attendit que l'homme s'en aille. Il avait été suffisamment clair, non ? Apparemment, non, car Pingu enchaîna sur autre chose. Il devait être sacrément en manque pour accoster un type qui avait clairement montré son refus d'aller prendre une chambre avec lui. Quoiqu'il ne lui avait rien proposé. C'est fou comme tout s'embrouillait facilement dans l'esprit d'Elliot dès que ses neurones étaient un peu imbibés d'alcool !

Le jeune homme n'avait pas daigné répondre à sa question, son regard buté fixé sur le verre de jus d'orange en face de lui. Il resta dans son mutisme un court moment, puis déclara finalement avec une lassitude non dissimulée :

"Le jus d'orange, c'est pas une bonne idée. Ca me fait penser à elle..."

Il poussa un soupir et se redressa sur son tabouret. Dans son empressement, il manqua d'ailleurs de tomber en arrière mais l'homme eut le réflexe de le retenir. Trop sympa.

"Merci." dit-il en préférant s'accouder de nouveau au comptoir. "Elle adorait le jus d'orange, elle m'en a fait boire de force quand je partageais son corps... Enfin c'est compliqué. Et très long. Je ne suis pas sûr que vous ayez le temps et l'envie d'entendre ça."

Il hésita un instant, observant le verre de jus comme s'il allait lui sauter à la figure, puis soudain, l'attrapa pour en boire une longue gorgée. Lorsqu'il eut avalé, il reposa brusquement le verre carré et expira un long moment comme s'il venait de boire de la vodka à la place du jus d'orange. Les souvenirs faisaient beaucoup plus mal que l'alcool très fort.

"S'il n'y avait qu'une fille, ça irait. Mais il y en a deux..." reprit-il en grimaçant. "Elles m'ont toutes les deux fait énormément souffrir et m'ont humilié. Je dois être trop con pour me laisser faire comme ça... Je voudrais changer. Je voudrais devenir... vous savez ? Un type sécurisant... Peut-être même devenir macho, vu qu'apparemment ça leur plaît... J'ai même commencé à faire de la batterie, pour changer de style, vous voyez ? Et ben même ça, ça ne change rien ! Je reste le même crétin avec les mêmes problèmes. Jour après jour. Y'a que les cocktails qui me font du bien, même si on se fout de moi dans mon dos... Vous êtes le premier à vous intéresser à moua !"

Subitement ému à cette idée, Elliot lança un regard tendre à l'homme, ce qui allait sûrement l'inquiéter et le faire fuir très loin.

Des cas désespérés, Vladimir en avait vue beaucoup. Mais autant atteint que lui, c'était une première. Généralement on venait le voir pour des motifs ayant un rapport avec l'argent. Il y avait beaucoup de sorciers pauvres au Grand Nord, surtout à cause du manque de travail. Vue le climat qui recouvrait l'Empire, en dehors de rejoindre l'armée, il restait peu de métiers de disponibles. Il y avait très peu de cultivateur, et on excellé surtout dans le domaine de la production de baguette ou balai magique, car l'armée était grande. Ce qui était courant aussi, c'était de trouver des entreprises chargées d'étudié tout ce qui tombait du ciel.

Récemment, Vladimir avait fait ouvrir des usines de construction d'armures avec des résidus de météorite. Chez les moldus, on aurait de suite pensé aux extra terrestres, et on y aurait vue une conspiration quelconque. Mais chez les sorciers, tout le monde est un peu extra terrestre, car la magie n'a rien à voir avec le monde des humains. Peut être même que le premier sorcier venait de l'espace ? Quoi qu'il en soit, on craignait moins une conspiration.

Vladimir avait fait ouvrir ces usines dans le but de construire des armures résistantes pour des créatures magiques. Il avait réussi, grâce à ces recherches, et à l'aide de précieux scientifiques, à mettre au point une armée qui surpasserait les autres. Non pas composé de dragons ou de détraqueurs, mais composé d'une créature vivant dans les montagnes enneigé du Grand Nord. Et tôt ou tard, son rêve de posséder une telle armée allait voir le jour. Les autres personnes qui venaient se plaindre chez Vladimir étaient souvent des gens se croyant amis avec lui. Ils venaient lui parler de leurs problèmes de coeur, et dès qu'il prononçait le prénom d'Aliénor, ses interlocuteurs coupaient cours à la conversation. C'était un sujet tabou dans le Grand Nord. Les Vampires étaient protégés par l'Empire, mais les habitants refusaient de les considérer comme des créatures magiques. Ils voyaient en eux uniquement le fruit de satan ou autre. Ils préféreraient que l'armée se consacre à leur capture et à les tuer, plutôt qu'à leur prêter refuge dans le Grand Nord. Vladimir, quand à lui, voyait une puissance armée de morts vivants, qui lui seraient sans doute utile dans une grande bataille.

"Changer pour devenir quelqu'un de mauvais, c'est pas nécessairement la meilleure des solutions. Vous êtes qui au juste ? Enfin, vous faites quoi dans la vie ? Peut être que c'est à ce niveau là qu'il faudrait changer. Vous m'avez l'air de quelqu'un qui passe ses journées à boire ou à sortir avec les filles. Pourquoi ne pas rejoindre les Aurors ? Ou alors travailler dans quelque chose se rapprochant à l'armée ? C'est généralement ce que les filles recherchent. Un homme de pouvoir. Et un sorcier avec une tenue d'Auror, ça fait classe. Ou avec un costume de pingouin aussi..."

Il avait dit sa dernière phrase avec un petit sourire. Il n'aimait pas spécialement porter ce genre de costume, mais on ne pouvait pas nier que ça lui donnait un certain style. Il adorait ce regard que les gens portaient sur lui. Vladimir avait vécu de nombreuses années seul, à l'abri des regards, et le fait d'être au centre de l'attention, l'excitait grandement. Cependant, la tenue qu'il préférait était celle des monteurs de dragons. Bon d'accord, ça ressemblait plus à une combinaison à la Batman, mais c'était utile pour parer toute attaque de ces créatures ou pour éviter de se retrouver cramer. Elles étaient pas légères par contre. C'était l'un des inconvénients. Mais une fois dedans, on se sentait fort, en sécurité, et également sécurisant. Tout ce qui aurait convenu à quelqu'un comme cet étranger qui buvait un verre avec le Ministre de la Magie du Grand Nord.

"Vous avez échangé votre corps avec elle ? Je ne comprend pas bien ce que vous voulez dire par là. Vous étiez elle et elle était vous ? Comment c'est possible ?"

Vladimir était intrigué à l'idée de pouvoir changer son corps avec quelqu'un. Il avait jamais entendu quelque chose de telle. Peut être qu'il devrait d'avantage s'intéresser aux nouveaux sortilèges inventés en Grande Bretagne. Même s'il n'était pas friand à l'idée d'échanger son corps avec qui que ce soit, ça pourrait toujours lui être utile un jour. Il voulait en savoir plus, et il attendait que le jeune homme lui explique cela en détail. Le Ministre avait porté son verre à ses lèvres, et il en avait bu une gorgée. C'est là qu'il s'était dit que rien lui rappelait Aliénor. Elle ne buvait pas, elle ne mangeait pas... Qu'est ce qui pourrait lui rappeler la jeune femme ? Un lit ? Un bureau ? Ils ne sortaient pas suffisamment ensemble pour avoir des souvenirs concrets à ce niveau là.

"Vous croyez que c'est important d'avoir des choses qui nous rappellent la personne avec qui en est ? Genre une boisson ? Ou de la nourriture ?"

Il n'était pas sûr que ça l'intriguait plus que l'échange de corps, mais il voulait savoir.

Pingu avait décidé de s'incruster. Il avait l'air de vouloir s'intéresser à lui, chose étrange si l'on considérait le fait qu'Elliot avait l'allure générale d'une serpillère mal essorée. Ses cheveux ébouriffés, sa chemise ouverte sur un vieux tee-shirt et son jean savamment troué à plusieurs endroits ne le mettaient pas vraiment en valeur, alors qu'il avait la chance d'avoir la carrure d'un athlète. Mais passons, après tout, il n'était pas venu dans ce bar pour draguer mais pour avoir la paix. Malgré tout, il commençait à trouver le pingouin humain sympathique, et un chouilla pathétique. D'une certaine manière, ils se ressemblaient. En l'observant avec plus d'attention, il s'aperçut que l'homme traînait une souffrance indicible. L'étincelle dans son regard montrait qu'il avait mal. Une peine de coeur, peut-être ? Il n'y avait que les femmes pour détruire un homme et faire disparaître toute envie de vivre.

"Ne me parlez pas d'Aurors !" s'écria-t-il soudain en claquant brusquement le verre de jus d'orange sur le comptoir.

Le barman, qui était occupé à essuyer un verre un peu plus loin, sursauta et fit mine de regarder ailleurs. Ah ces Moldus... toujours à espionner les gens. Elliot se retint de lui lancer un sort de Crache-Limaces ou autre chose de tout aussi agréable, mais il préféra se ré-intéresser à Pingu. Toute expression tendre avait disparu de son visage, ne restait qu'une profonde rage qu'il calma très vite en sentant le verre se briser dans sa main. Aïe, ça faisait mal.

"Manquait plus que ça..." grommela-t-il en observant sa main ensanglantée en déglutissant avec peine.

Avec une appréhension non dissimulée, il entreprit d'enlever les éclats de verre avec ses doigts, retenant des gémissements de douleur. Coinçant sa langue entre ses dents, il lâcha plusieurs petits soupirs, et une fois qu'il eut réussi à extraire les morceaux de verre de la plaie, il resta un moment perdu dans ses pensées, regardant sa paume ouverte et sanglante.

"Euh... vous auriez un pansement sur vous, par hasard ?" demanda-t-il soudain à Vlad d'un ton parfaitement calme, comme s'il ne venait pas de s'énerver. "J'en ferais bien apparaître un par magie, mais ce bar grouille de Moldus. Pas envie de lancer des sortilèges d'Oubliettes à tous bouts de champ..."

Il lança un regard mauvais au verre de jus complètement fracassé, puis reprit le fil de la conversation d'une voix plus modérée :

"J'ai été Auror par le passé, mais ça me gonflait trop. J'étais excellent, mais justement, je posais trop de questions. Je ne voulais pas faire certaines missions que je jugeais idiotes... Un jour j'en ai eu marre, j'ai expliqué mon point de vue à mon patron -d'une façon peu professionnelle, on va dire- et j'ai claqué la porte avant de me faire virer. Je n'ai jamais regretté, sauf pour la tenue. J'avoue que j'étais assez sexy dedans."

Il eut un petit rire qui se transforma en grimace de douleur lorsqu'il ferma sa main, car il avait oublié qu'elle était blessée. Il se redressa un peu plus sur son tabouret : au moins, cette blessure avait le mérite de l'avoir rendu un peu plus sobre qu'il ne l'était.

"Maintenant, je suis détective privé, mais les enquêtes qu'on me confie ne sont pas très palpitantes... Je ne suis engagé que pour retrouver des trousses égarées par des élèves... Il y a eu la fois où une Mangemort a réclamé mes services, mais c'est tout... Enfin, vu qu'elle ne m'a pas tué, je pense qu'elle était satisfaite. Faut dire que retrouver un médaillon dans Poudlard, c'était facile ! Même si l'endroit où il était caché regorgeait de magie noire, c'était facile. J'entre dans ce château comme je veux... Mais maintenant, je vais éviter, car mon ex est prof là-bas... J'ai pas tellement envie de la croiser..."

Il se tut le temps de grimacer une nouvelle fois, puis détailla l'homme avec plus d'intérêt, se rendant compte qu'il pourrait être sacrément classe s'il s'habillait en costume. Une fois cet éclair de génie passé, il répondit à ses propos :

"Laissez tomber, c'est compliqué, je vous dis. On a subi un Transplanage raté : au lieu d'aller dans mon corps, mon esprit s'est retrouvé dans le sien. Enfin, le principal, c'est que je sois de nouveau chez moi !"

Il avait encore été interrompu par la douleur lancinante à sa paume. Agacé de ne rien avoir pour la désinfecter, il lança un regard circulaire au bar, et, constatant que personne ne le regardait, il sortit sa baguette et lança un rapide sort pour nettoyer la plaie et faire apparaître un bandage tout autour de sa main. Une fois fait, il rangea sa baguette magique avec autant de discrétion possible.

"Non, au contraire. D'ailleurs, vous avez de la chance de n'avoir rien qui vous rappelle votre copine, parce que si vous cassez un jour, vous ne souffrirez pas en voyant quelque chose, même la chose la plus anodine du monde."

Ainsi, Elliot avait vu juste en pensant que Pingu subissait une peine de coeur. Restait à savoir son problème, surtout que sa dernière question était tout de même étrange...

"Votre copine ne s'alimente pas et ça vous inquiète ? Elle est atteinte d'une maladie, la pauvre ?"

Il essaya de prendre un air attristé, mais c'était assez dur étant donné qu'il s'entraînait à détester toute représentante du sexe féminin, afin de ne pas se faire avoir encore une fois.

Vladimir avait écouté le jeune homme jusqu'au bout, et ce qui l'intéressait le plus était la réponse qu'il pourrait lui donner au sujet des femmes. Cela dit, le Ministre de la Magie voyait très bien qu'il était aussi doué que lui au niveau des relations avec les jeunes femmes. Ils allaient pouvoir former un club si ça continuait. Ensemble ils pourraient rassembler toutes les personnes ayant des relations difficiles avec les femmes. Lui il pourrait expliquer à tout le monde comment changer de corps à sa guise avec une fille, et Vlad serait là pour expliquer les différents moyens d'éviter de se faire mortellement mordre par sa compagne. Enfin si c'est bien une compagne qu'il a, car il n'arrive pas vraiment à définir sa relation avec Aliénor.

"Non... Elle se nourrit sans trop de difficultés. Ce qui et dur par contre, c'est de lui trouver de la nourriture légale et qui lui convient. Et elle est vraiment compliqué quand il s'agit de se nourrir."

Il avait bien vue que le jeune homme ne comprenait pas totalement ce qu'il lui racontait. Vladimir avait tourné la tête en direction de son verre de jus d'ananas/orange, et il en avait bu une gorgée avant de prononcer la phrase qui allait suivre, sans regarder la réaction du jeune homme. Sans doute qu'il le prendrait pour un fou après avoir entendu cette confession.

"C'est une vampire..."

Oui, le ministre de la magie du Grand Nord sortait avec une vampire. Et ce jeune garçon à moitié saoul était la seule personne à qui Vladimir l'avait dit. Enfin, c'était pas vraiment un secret, surtout depuis qu'il s'était donné en spectacle dans les Carpates, la dernière fois où il avait vue Aliénor. Mais c'était pas de sa faute. Il était énervée qu'elle saute sur le premier mec venu dès qu'il avait le dos tourné. Surtout sur une vermine de canadien. Comme si ce peuple était capable de pratiquer de la magie correctement. D'ailleurs il ne comprenait pas pourquoi certains pays étaient considérés comme tel.

"Vous arrivez vraiment à vous introduire à Poudlard ? On m'a toujours dit que c'était une véritable forteresse. Apparemment, ça serait le directeur lui même qui a mis de nombreuses défenses pour empêcher les sorciers, et surtout ces Mangemorts, d'y entrer."

Il avait fait une pause pour tenter de se rappeler de tout ce qu'on lui avait dit à propos de Poudlard. C'était pas sa priorité, vue que leur école n'avait rien à voir avec celle là.

"Dumbledore, non ? Albus Dumbledore, si je m'en souviens bien. A ce qu'on m'a dit, c'est lui qui a éduqué le mage noir qui vous terrorise tellement ? Il paraîtrait même qu'il est craint par cette créature. Enfin, ce ne sont que des ont dit. Je ne suis pas d'ici, donc je ne peux qu'écouter sans en juger par moi même. Vous devez bien le connaître, non ?"

Il avait bus une nouvelle gorgée, et il avait fini son verre. Il avait levé les yeux vers la pendule pour voir qu'elle heure il était. Elle n'allait pas tarder à le rejoindre, et il pourrait enfin rentrer dans sa Cité Rouge. C'est pas qu'il n'aimait pas l'Angleterre, mais il préférait son Grand Nord.

"Votre ex est professeur ? Elle enseigne quoi ? Et pourquoi vous n'êtes plus avec elle ? Ca fait beaucoup de questions, désolé. Mais vous semblez avoir besoin d'en parler. Et ça me fait du bien d'entendre parler d'autres relations que la mienne, ça me permet de me rendre compte que je ne suis pas le plus à plaindre."

Il avait dit cela en souriant. Car oui, il n'était pas le plus à plaindre, mais quand même. Il sortait avec une Vampire ! C'était pas chose courante. Quelques secondes passèrent avant qu'il reprenne son sérieux, et qu'il fasse mumuse avec son verre. Il voulait demander quelque chose à ce jeune garçon, et il ne savait pas comment lancer cela.

"Il vous est déjà arrivé de réussir à entrer dans un autre endroit protégé que Poudlard ?"

Vladimir s'était décidé à regarder Elliot pour achever ce qu'il voulait lui dire.

"Vous ne travaillez pas actuellement ? Ca ne vous dirait pas de vous changer les idées... ?"

Même si ça paraissait louche la façon dont Vladimir avait engagé cela, il ne voulait pas lui proposer un plan avec un mec.

Peut-être que Pingu disait vrai concernant les vertues du jus d'orange, car Elliot sentait ses idées devenir plus claires et son champ de vision s'agrandir. Le comptoir continuait de se déformer tout seul par contre, mais cela allait s'arranger. Il faudrait juste qu'il prenne une douche bien froide pour se réveiller tout à fait, mais comme son appartement était trop loin et qu'il n'était pas en état de transplaner, il préféra attendre un peu. Et puis, la compagnie de l'homme n'était pas si déplaisante, finalement. C'était rare de trouver quelqu'un qui partageait la même peine que soi.

Cependant, Elliot sentit que le problème qu'il avait avec sa copine était légèrement différent du sien, surtout lorsqu'il parla de sa façon de se nourrir. Il écarquilla de grands yeux, ne comprenant pas bien où l'autre voulait en venir, jusqu'à ce qu'il avoue qu'elle était une vampire. Ah oui, ça pouvait poser problème, en effet.

"Une vraie vampire ? Genre avec les crocs et tout ?" dit-il d'un ton étranglé. "Mais vous... vous n'êtes pas un peu malade pour sortir avec une créature comme ça ? Je veux dire... c'est un peu malsain, non ?"

Parler en toute franchise lui avait souvent amené des problèmes, mais tant pis, il n'était pas suffisamment sobre pour réfléchir à ses paroles. Tant pis si l'homme venait lui casser la gueule pour ce qu'il avait dit -il savait que les mecs pouvaient être très susceptibles lorsqu'on critiquait leurs petites amies ou la relation qu'ils avaient avec elles- peut-être que ça le ferait dessaouler. Il tendit donc gentiment la tête vers l'homme, comme pour l'inviter à le frapper. "Allez, vas-y" pensa-t-il. "ça va me faire du bien." Finalement, le maso de l'histoire n'était peut-être pas celui auquel on pense. En tous cas, Elliot commençait à relativiser sur son (ses) problème(s), car s'être fait humilié par deux filles n'était rien comparé à partager son lit avec une vampire ! Fallait être complètement cinglé pour faire une chose pareille ! Et pervers aussi... Il avait déjà entendu dire que ces créatures étaient insatiables dans le domaine... charnel. Rien que d'y penser, ça le fit frissonner, mais pas dans le bon sens. Brr, ça faisait froid dans le dos !

Heureusement, l'homme changea de sujet. Sûrement que d'entrer plus dans les détails le mettaient mal à l'aise, même s'il ne donnait pas l'air d'avoir honte de ce qu'il faisait. Elliot aurait tant aimé avoir cette assurance de vainqueur ! En toutes circonstances ! C'était décidé : il allait s'acheter un costume.

"Oui, j'entre à Poudlard comme je veux !" dit-il non sans fierté. "Mais n'espérez pas que je vous dise comment, c'est un secret ! Je peux juste vous dire que personne ne fait comme moi ! Personne ne sait ! J'ai toujours réussi à entrer facilement n'importe où. Enfin... presque. Je n'ai jamais essayé d'entrer par la ruse à Gringotts, parce que les Gobelins me font peur, mais c'est une autre histoire ! Et je ne connais pas personnellement Dumbledore. Il était déjà directeur quand j'étais élève à Poudlard, donc je ne le connais que de vue. Mais il est très impressionnant, magnifique... à sa manière."

Elliot préfèra se taire, espérant que ses paroles ne soient pas pris au second degré et que l'homme pense qu'il vouait un amour silencieux pour le directeur de Poudlard. Alors qu'il avait baissé les yeux pour observer le bandage à sa main, il les releva brutalement en l'entendant dire qu'il n'était pas le plus à plaindre. Et il souriait, l'imbécile ! Il trouvait vraiment que coucher avec une vampire était une chose saine et tout à fait normal ? Elliot n'aurait échangé pour rien au monde ! Il préférait trainer sa peine et son humiliation plutôt que de pactiser avec une créature maléfique ! Autant dîner avec Voldemort ! Tout compte fait, ce n'était peut-être pas si grave, mais tout de même ! Elliot déglutit avec peine, et fixant cet homme avec des yeux ronds, il déclara :

"Mon ex est professeur de Défense contre les Forces du Mal. Elle s'appelle Charline... Elle est brune... Elle est superbe..."

Il poussa un long soupir de désespoir et eut aussitôt envie de commander une vodka ou une bière extra forte pour noyer une nouvelle fois son chagrin. Est-ce que cette souffrance allait disparaître un jour ? Ou était-il trop émotif pour que les petits aléas de la vie l'écorchent à ce point ?

"Je l'ai quittée quand elle m'a avouée qu'elle m'avait trompée. Je ne l'ai pas supporté... Vous le pourriez, vous ? Si votre vampire vous disait qu'elle avait été voir ailleurs..."

Il regarda l'homme jouer avec son verre, puis eut un petit rictus de fausse joie. Parfois, il ne savait pas pourquoi il riait. Surtout qu'il n'y avait rien de drôle.

"Je suis déjà entré dans beaucoup d'autres endroits, mon métier de détective l'oblige. Mais j'avoue que Poudlard est ma plus belle réussite."

Il lança un drôle de regard à l'homme lorsqu'il sembla lui proposer un truc pas très net, aussi répondit-il sur la défensive :

"Non... je n'ai pas de travail précis pour l'instant... Vous voulez me changer les idées comment ? Je vous ai déjà dit que je n'étais pas gay. Et vous êtes qui, d'abord ? Vous vous la jouez comme si vous étiez président ou chanteur de blues."

Elliot plissa les yeux, essayant de deviner l'identité de son interlocuteur.

Malade ? Surement oui, car il sortait bel et bien avec une vampire, et il ne savait pas vraiment pourquoi. Quelque chose l'attirait chez ele. Et ça n'avait rien à voir avec son côté mauvais. Bien au contraire, car quand elle montrait les crocs, il la trouvait plus repoussante qu'autre chose. Souvent, elle passait le voir le soir ces derniers temps, mais il se refusait à elle, car il trouvait cela vraiment malsain et contre sa nature que d'être avec une créature de la nuit. Il n'arrivait pas à expliquer pourquoi il restait avec elle mais il l'était.

"C'est assez spécial, je le conçois, mais... Enfin, vous savez... C'est compliqué. Il y a parfois des choses que l'on fait, et qu'on sait qu'elles sont mauvaises pour nous ou pour les autres, mais on ne peut pas s'empêcher de les faire."

Oui, car il ne voyait aucune autre explication. Bon d'accord, il y avait aussi celle qui partait du principe qu'il aimait cette Vampire, mais comment pourrait il aimer une Vampire ? Son côté humaine l'attirait beaucoup, mais il savait très bien que ça finirait par s'arrêter, qu'ils ne pourraient pas aller bien loin tous les deux. Et puis, ça ne faisait que trois ans qu'ils étaient ensemble. Ca pouvait s'arrêter du jour au lendemain, et il pouvait se rendre compte qu'il faisait une erreur. C'est pas comme si c'était une grande et longue histoire. Non, là ça ne faisait que trois ans. Trois ans...

Elliot avait tendu sa joue vers Vladimir. Dans d'autres circonstances, on aurait pu penser qu'il aurait voulu que Vladimir lui fasse une bise dessus, mais là il s'agissait plutôt de quelque chose de plus agressif. Il venait de toucher un point sensible et de critiquer les goûts en matière de filles de Vladimir. Il méritait une giffle. Mais le Ministre n'était pas de ce genre. Ca le fit même sourire cette réaction du jeune homme. Il devait sans doute être habitué à recevoir des coups. Sa mère peut être. Ou une ex petite amie. Allez savoir.

"Aliénor aussi est brune. Et elle est superbe. Mais continuez, je vous prie."

Il l'avait coupé dans son monologue, mais ça n'avait pas l'air de vraiment le déranger, car il avait de suite repris le cours de son histoire. Il s'était fait tromper. C'était sans doute l'une des pires choses qui pouvait arriver. Si c'était Aliénor, il l'aurait sans doute fait tuer, et il aurait enterré vivante la personne qui l'aurait fait avec elle. Mais elle n'était pas de ce genre. Enfin si. Mais peut être pas au point d'aller jusqu'au bout. Elle pouvait aguicher, car elle aimait se faire désirer, mais elle ne franchirait pas la ligne de non retour. Du moins il l'espérait. Heureusement, Elliot avait changé de conversation avant que Vladimir puisse réellement se demander si Aliénor serait capable d'une t'elle chose.

"Ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas mon genre. Vous avez les dents trop petites et mal aiguisées."

Il avait dit cela en souriant, mais tout compte fait, ça le rendait plus pathétique qu'autre chose. Aliénor était sa première Vampire, si ça peut rassurer tout le monde. Il ne vouait pas un culte aux Vampires, et il ne se prostitué par avec eux. Avec elle c'était différent. Ils discutaient en plus de coucher. D'ailleurs le jour précédent, ils avaient parlé de ce type avec qui elle avait partagé son sang. Tous les couples ont ce genre de discussion, n'est ce pas ? Quoi qu'il en soit, il n'était pas avec elle car ses crocs l'excitait. C'était pour quelque chose d'autre, de bien plus grand, de bien plus fort, mais qu'il n'arrivait pas à s'expliquer.

"Je suis à la recherche de quelqu'un. Enfin, je ne parle pas d'une personne avec qui je pourrai partager des choses. Je parle d'un employé. Un sorcier qui travaillerait pour moi. Une personne qui pourrait m'aider à m'introduire dans un endroit bien protégé et où il est totalement impossible d'y entrer."

Il voulait cambrioler un endroit et il lui fallait un complice. Tout était tellement plus clair.

"En fait ce que j'aimerai c'est trouver le moyen de m'introduire dans la Cité Rouge, en passant devant toutes les défenses, sans me faire voir."

La Cité Rouge ? C'est quoi ça ? Un niveau d'un jeu vidéo ?

"Tout est légal, ne vous en faites pas. Et vous serez payé. Chers, très chers même si votre travail est bien réalisé. Et je pense que le changement d'air vous fera le plus grand bien."

Elliot ne semblait pas trop comprendre, et d'un côté c'était normal. La Cité Rouge ne devait pas symbolisait grand chose pour un anglais. Bien que certains plus intelligents que d'autres, se seraient sans doute documenter sur les autres Empires. Enfin, passons...

"Vous avez déjà entendu parler du Grand Nord, n'est ce pas ? La Cité Rouge est la forteresse où se trouve le gouvernement de cet Empire de la Magie. Et il est protégé par des sentinelles, des dragons, des vampires, des loup garous et d'autres protections magiques."

Tout en parlant il s'était rendu compte que l'aubergiste écouté à leur porte... Il l'avait fusillé du regard, et ce dernier s'en était allé, croyant sans doute avoir à faire à deux fous qui parlaient de créatures n'existant pas. Vladimir lui aurait bien lancé un sortilège d'oubli, mais il n'avait pas sa baguette sur lui.

"Personne ne s'est jamais introduit à l'intérieur de ces murs. Les protections sont renouvellés constament. Et j'ai beau les changer, elle fini toujours par entrer par je ne sais quel moyen. Et je veux que vous découvriez comment elle fait. C'est sans doute comme vous faites pour Poudlard. Il doit y avoir un passage secret ou quelque chose auquel on ne pense pas. Tout comme ici, des centaines de personnes, des miliers même ont tentés d'y entrer, mais personne y est jamais arrivé. Sauf elle. Et j'aimerai que vous y arriviez aussi pour que je puisse savoir comment et l'empêcher de revenir sans que je le souhaite."

Tout était étalé. Il ne lui restait plus qu'à créer et signer le contrat. Qui refuserait une telle offre à laquelle il ne comprenait rien, hein ? Vladimir avait une dernière fois regardé le jeune homme. Il guettait la moindre de ses réactions. Il ne voulait pas emmener avec lui un incompétent. Mais quelque chose lui disait que ce jeune garçon ne lui mentait pas. Il avait besoin de lui. Ils avaient tous les deux besoin de l'autre.

"Vous avez la possibilité de changer de vie, de devenir quelqu'un, de vivre quelque chose de mieux que vous vivez actuellement. Et qui plus est, le Grand Nord est plein de jeunes femmes brunes et superbes. D'ailleurs si vous restez un peu plus longtemps, je pourrais vous en présenter une."

Il avait dit cela avec un petit sourire.

"Vous manquerez de rien et je vous permettrai de loger dans la Cité Rouge. Et si vous réussissez, vous ne manquerez plus jamais de rien. Réfléchissez y. C'est pas une offre qu'on a du souvent vous faire. Et comparé à tous ceux qui vous ont déjà engagés par le passé aucun était Ministre de la Magie du Grand Nord et avait les moyens de faire de vous quelqu'un."

Elliot pouvait tout à fait comprendre ce que le pingouin humain voulait dire par "faire des choses que l'on sait néfastes pour nous mais que l'on fait quand même". Le jeune homme était un adepte de ce genre d'activités. Il les collectionnait depuis quelques temps. Par exemple : il n'aurait jamais dû accepter la proposition indécente de Kiara dans les toilettes, il n'aurait pas dû l'embrasser devant Charline rien que pour la faire enrager, et enfin, il n'aurait peut-être pas dû quitter Charlie sur un coup de tête... Tout ce qu'il avait fait jusqu'ici ne lui avait apporté que des problèmes, et le seul moyen qu'il avait trouvé pour les repousser, c'était de les noyer dans une quantité phénoménale d'alcool. Enfin, n'exagérons rien, il ne buvait que trois verres par jour mais ça suffisait à le griser.

Il n'empêche que cet homme en costume lui faisait un peu peur, même s'il ressentait un élan de sympathie pour lui. Heureusement, il venait de lui préciser qu'Elliot n'était pas du tout son genre. Ouf ! Il en avait assez de se faire accoster par des cinglés ! Si l'homme lui avait proposé de terminer la soirée dans les toilettes du bar, il aurait été capable d'avaler les éclats de verre sur le comptoir pour abréger sa vie.

Donc, Pingu cherchait un employé... Intéressant, ou pas. Elliot était mitigé. Il ne savait pas s'il allait accepter, tout dépendait de la proposition de l'homme. Etant donné sa façon de se vêtir, il devait travailler dans un bureau, et Elliot ne se voyait pas entre quatre murs à longueur de journées. Il aimait l'action, le danger... même s'il avait énormément tourné en rond chez lui, ces derniers temps. Il devait avouer que changer d'air ne lui ferait pas de mal, mais il n'imaginait pas un seul instant que Pingu lui proposerait de pénétrer sans permission dans une forteresse ! En tous cas, c'est ce qu'il comprit par le terme "Cité Rouge", car il ne voyait pas une petite maisonnée avec des broderies aux fenêtres s'appeler de la sorte. Cité Rouge, ça faisait sérieux. Un peu chinois, même. Elliot ne connaissait pas du tout cet endroit et ne savait pas où c'était, mais il sentit une sorte d'excitation s'emparer de lui alors que de petits fourmillements parcouraient tout son corps. Il allait forcer une forteresse ! Il s'imagina vêtu d'un casque, d'une cotte de maille et d'une lourde épée, partir au galop pour franchir les défenses, mais juste pour avoir plus d'informations, il préféra demander :

"Et... c'est où cette Cité Rouge ? C'est chez vous ? J'espère pas que c'est là où habite votre Vampire car je serais obligé de refuser ! Je ne veux pas me mêler des histoires de couple, et surtout pas quand ça concerne des créatures dangereuses ! Je tiens à ma vie et à mes cheveux !"

Pourquoi se sentait-il obligé de préciser cette dernière chose ? Bref, pris d'un nouvel élan, Elliot commanda un autre jus d'orange, à croire qu'il devenait accro à la vitamine C. Cependant, en entendant la réponse de Pingu, il s'étrangla en buvant le verre que le barman venait de lui donner.

"Le Grand Nord ?!" s'écria-t-il en postillonnant à moitié sur le costume Armani de Pingu. "Mais... c'est... c'est au Nord !"

Brillante déduction. Mais cela traduisait autre chose : j'ai seulement 33 ans et j'ai pas envie de me geler les fesses dans un endroit aussi pourri.

"Votre Cité Rouge, vous n'auriez pas pu la faire construire ailleurs ?" maugréa-t-il en s'essuyant la bouche d'un revers de main. "Genre à Hawaï ? Ou en Californie ? Ca va être dur de trouver des filles en bikinis au Grand Nord..."

Oui, même si Monsieur Elliot s'était promis de "laisser tomber les filles car ça lui avait joué un mauvais tour", il n'était pas contre le fait de recommencer une nouvelle vie dorée sous le soleil des Tropiques. Mais apparemment, Pingu préférait les glaçons et les anoraks. A chacun son fantasme.

L'homme se mit à lui énumérer tout ce qui protégeait l'entrée de la Cité Rouge et Elliot, malgré les litres de jus d'orange ingurgités, sentit la vitamine C descendre dans ses chaussettes. Des vampires, des loup-garous, des sentinelles (d'ailleurs, c'était quoi ça ? O_o) et d'autres trucs tous plus sympas les uns que les autres ! Oh, mais bien sûr, Elliot allait dire oui avec plaisir.

"Personne n'a jamais réussi à s'introduire..." répéta Elliot en écho à Pingu. "Et comment ça 'elle seule a réussi à pénétrer dans la forteresse' ?"

Il fronça les sourcils, indécis. Pingu parlait-il de sa vampire ? Mmh... il faudrait vraiment qu'il soit payé cher pour faire un truc pareil... D'ailleurs, peut-être était-il temps qu'il s'intéresse sur les modalités de son salaire ?

"Donc, vous êtes le Ministre en personne ?" déclara-t-il avec un sourire en coin. "Et ça vous arrive souvent d'accoster des mecs totalement bourrés pour les faire bosser au Grand Nord ? ça montre à quel point personne ne veut travailler dans cet endroit !"

Il éclata de rire et prit le temps de finir de boire son verre avant de poursuivre, toujours un grand sourire aux lèvres :

"Alors, je serai payé combien ? Je ne vais pas faire ma star, mais je ne me déplace pas pour rien."

Il se racla la gorge, se disant qu'il se l'était sûrement trop pété et que le ministre allait lui tourner le dos sur-le-champ, mais comme il n'avait pas l'air de bouger, il se dépêcha d'enchaîner :

"Je suis à deux doigts d'accepter, car vous m'avez bien cerné quand vous avez dit que rien ne me retient ici. Presque rien. Mais pour partir, il faut que vous ameniez des arguments plus... convaincants. Déjà, est-ce qu'il y aura tout ce dont une tortue peut rêver, là-bas ?"

Drôle de question, mais Elliot devait s'assurer que Simone ne mourrait ni de faim, ni de froid dans le Grand Nord.